C'était jusqu'ici le principal reproche de ses détracteurs : Emmanuel Macron n'aurait pas de programme, en plus de faire planer un vrai-faux suspense sur sa candidature à la présidentielle. L'ancien ministre de l'Économie a laissé dire, enchaînant les meetings pour exposer un "diagnostic" de la société selon lui indispensable, au risque de lasser ses supporters en même temps que la classe politique et les journalistes.
Alors que l'annonce de sa candidature se rapproche –la date du 16 novembre est avancée par Les Echos-, le fondateur d'En Marche! a franchi une étape supplémentaire, jeudi, en accordant à L'Obsun entretien dans lequel il esquisse les premières lignes d'un programme. Ou, comme il se plaît à l'appeler, un "plan de transformation".
Plus de flexibilité. Sans surprise, le volet économique est le plus développé, même si Emmanuel Macron s'aventure aussi sur des terrains qu'il a moins occupés jusqu'ici, comme celui de l'éducation. L'ancien patron de Bercy, qui voulait déjà "faire sauter les verrous" avec sa loi sur l'activité, déroule une fois de plus ses convictions en faveur de plus d'"agilité" sur le marché du travail. Il prône ainsi une "sécurisation du moment de la rupture" d'un contrat, autre façon de dire qu'il faut la rendre plus facile pour l'employeur.
De même, il propose de revenir sur les 35 heures pour les jeunes. "Quand on est jeune, 35 heures, ce n'est pas assez", explique-t-il. "Un entrepreneur raisonne ainsi : ce jeune n'est pas qualifié, je veux bien l'embaucher mais il va apprendre son job en entrant dans mon entreprise donc il faut qu'il effectue davantage d'heures."
" Quand on est jeune, 35 heures, ce n'est pas assez. "
Du sur-mesure. Plus de souplesse, enfin, sur l'âge de la retraite. "Certains veulent la prendre à 60 ans, d'autres à 65, d'autres encore à 67. Il faut pouvoir moduler selon les individus et les situations." L'idée d'une prise en compte de la pénibilité lui plaît, mais pas telle qu'elle est prévue dans la dernière réforme des retraites du gouvernement Ayrault. "Si on se contente d'appliquer des critères de pénibilité de manière arbitraire, on ne fera que recréer des régimes spéciaux." En somme, Emmanuel Macron prône le "sur-mesure" en matière d'emploi. "Il faut pouvoir moduler selon les individus et les situations."
Refondation de la protection sociale. Ces propositions, dans la droite ligne de ce qu'Emmanuel Macron avait instauré dans son projet de loi, conformes au corpus idéologique qu'il a dessiné en tant que ministre comme depuis sa démission, ne surprendront personne. Mais le fondateur d'En Marche! y ajoute un volet moins attendu sur la protection sociale. Partant du constat que, "sur le papier, on a étendu les droits formels à tout le monde" mais qu'en "réalité, on n'a jamais étendu les droits réels" pour certains travailleurs, notamment les jeunes, Emmanuel Macron prône une refondation du modèle social français.
Par exemple, l'ancien ministre de l'Économie défend bec et ongles le dialogue social plutôt qu'une "loi qui règle tout". Ce dialogue social se ferait "au niveau de la branche" et, parfois, au sein de l'entreprise. Plus efficace, il inciterait, selon lui, les travailleurs à se syndiquer plus qu'ils ne le sont aujourd'hui.
" Sur le papier, on a étendu les droits formels à tout le monde. Mais en réalité, on n'a jamais étendu les droits réels. "
Une assurance-chômage étendue. Surtout, Emmanuel Macron se démarque sur le sujet de l'assurance-chômage. Vent debout contre les propositions de nombreux candidats de la primaire de la droite, qui estiment nécessaire de rendre les allocations dégressives, lui suggère au contraire d'étendre le système d'indemnisation. Pour lui, il faut que celui-ci "protège des aléas de la vie professionnelle ceux qui, aujourd'hui, ne sont pas couverts. En particulier ceux qui sont au régime de la micro-entreprise, ou les indépendants". L'ancien ministre de l'Économie souhaite également "accorder des droits au chômage en cas de démission", afin d'éviter que des salariés "demeurent dans une entreprise parce qu'ils pensent qu'ils n'ont pas d'autres choix".
Flatter le centre-gauche. Ces propositions, qu'Emmanuel Macron avait pour certaines déjà formulées au fil de ses interventions médiatiques, doivent venir, selon lui, contrebalancer la souplesse prônée par ailleurs. L'ancien ministre de l'Économie synthétise en cela sa vision personnelle de ce que devrait être la "flexi-sécurité" sur le marché du travail. Pour l'instant, ces idées ne sont toujours exposées que sous la forme de grands axes, et aucun chiffrage ne vient appuyer la faisabilité des mesures. Mais celui qui avouait volontiers, en août dernier, n'être "pas socialiste", tente bien de flatter le centre-gauche en prouvant qu'il n'a pas oublié d'être social en même temps que libéral.