Un 49.3 déclenché, un second approche : la bataille sur le budget de l'État inachevée, les députés ont enchaîné jeudi avec celui de la Sécu, critiqué par les oppositions et également des professionnels de la santé, et qui devrait lui aussi déboucher sur l'emploi de l'arme constitutionnelle. "La balle est dans votre camp", a lancé aux députés le ministre de la Santé François Braun, au coup d'envoi des discussions dans l'hémicycle. La Première ministre Elisabeth Borne a engagé mercredi la responsabilité de son gouvernement pour faire adopter sans vote la première partie du budget de l'État. La procédure a interrompu les débats en cours sur ce texte, mais n'empêche pas l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.
"Laisser le temps au débat"
Mais les échanges pourraient être là aussi interrompus par un 49.3, et rapidement. "Les oppositions ne souhaitent pas ouvrir la possibilité (...) de nous laisser avancer. Dans ces conditions, on prendra aussi nos responsabilités", a déclaré à l'AFP le ministre des Comptes publics Gabriel Attal. Le Conseil des ministres a autorisé mercredi l'utilisation du 49.3, qui pourrait être actionné avant la fin de semaine sur la partie recettes de ce budget. Plusieurs responsables de la majorité ont plaidé en ce sens, pour éviter les mêmes déconvenues que ces derniers jours dans l'hémicycle. La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance), a demandé au gouvernement de "laisser le temps au débat".
"Ne passez pas en force précipitamment", a aussi plaidé jeudi matin à la tribune le député LR Thibault Bazin. Même s'il n'est finalement pas prévu d'amendement pour une réforme des retraites --une piste élyséenne qui avait suscité l'ire des oppositions et le malaise d'une partie de la majorité--, son examen s'annonce très difficile pour l'exécutif. Les députés ont déposé plus de 3.000 amendements qui, sur le papier, doivent être examinés jusqu'au 26 octobre. Dans ce délai, doivent être mises au vote les motions de censure de la Nupes et du RN, qui font suite au 49.3 sur le budget de l'État, ce qui va occuper quelques heures de séance supplémentaires.
Le PLFSS "fait le pari de la santé et de la solidarité" et "j'en suis fier", a assuré jeudi matin M. Braun, dont c'est le premier budget. Il anticipe une forte baisse du déficit à 6,8 milliards en 2023 (17,8 milliards cette année), reposant sur une fonte spectaculaire de la facture Covid. Il projette des économies de 1,1 milliard d'euros sur le remboursement des médicaments et 250 millions sur les laboratoires d'analyses notamment.
Lutte contre la fraude
Le projet de loi prévoit d'améliorer la prévention, avec des rendez-vous aux âges clés de la vie, et de réformer la formation des médecins généralistes en ajoutant une quatrième année avec des stages "en priorité" dans les déserts médicaux. Il accroît la lutte contre les "abus" d'arrêts de travail prescrits lors de téléconsultations. Il s'agit de façon générale d'adresser un "message de fermeté à l'égard de tous les fraudeurs", a indiqué M. Attal. Le ministre a annoncé un amendement afin que les allocations hors retraites ne puissent plus être versées à partir de 2024 sur des comptes bancaires non-européens.
L'examen du texte en commission s'est passé plutôt sereinement, mais pas sans accrocs. Plusieurs mesures ont été votées contre son avis, comme le respect par les entreprises des obligations en matière d'égalité femmes-hommes pour bénéficier de réductions de cotisations. La gauche pilonne le cadre budgétaire imposé : pour le socialiste Arthur Delaporte, "il manque cruellement d'ambition", et pour Hadrien Clouet (LFI) "d'investissements pour notre système de santé et nos hôpitaux". Les députés RN déplorent l'absence de "mesure d'envergure" pour "redresser notre système de santé".
Ce texte ne trouve pas grâce non plus aux yeux des élus LR qui épinglent le manque d'"efficacité" des dépenses de santé. Autre écueil pour le gouvernement : plusieurs mesures sont vivement critiquées par les professionnels concernés. Remontés contre les économies demandées, les biologistes et laboratoires d'analyses menacent d'une grève. Courroucé, le secteur du médicament a obtenu déjà du gouvernement des reculs. Dans un contexte social déjà brûlant, une fronde des internes menace : ils sont opposés à la quatrième année et à l'interdiction envisagée de l'intérim à l'hôpital pour les soignants fraîchement diplômés.