L'avocat et ancien ministre Georges Kiejman est mort ce mardi à l'âge de 90 ans, a appris l'AFP auprès de son cabinet. "C’était un homme d’engagement total, un homme qui a vécu intensément de manière incandescente, probablement comme une revanche sur son enfance. Son père a été déporté à Auschwitz, il vient d’un milieu d’un extrême dénuement, et il s’est élevé par la force de son intelligence, de sa culture, de son élégance. Il a brillé évidemment dans les salles d’audience dans lesquelles il parvenait à l’éloquence au prix d’un travail forcené", a déclaré sur Europe 1 Me Richard Malka, en réaction à la nouvelle de sa mort.
"Il a été un modèle, un grand homme"
"Il élevait aussi tous ceux qui l’entouraient parce qu’il leur transmettait son énergie, son intelligence, son ambition à l’égard de lui-même d’abord. Il a été un modèle, un grand homme, il n’y en a pas tant que ça. Ceux qui lui sont proches sont anéantis aujourd’hui. C’est une petite voix qui restera dans nos esprits, pour nous guider sur le chemin de l’humanité, de la nuance, de l’engagement, de la passion", a ajouté Me Richard Malka.
Homme de gauche et de culture proche de Pierre Mendès-France et François Mitterrand, Georges Kiejman a été pendant plus d'un demi-siècle une brillante figure du barreau associée à de retentissantes affaires judiciaires. Né à Paris le 12 août 1932, il est le fils d'un artisan mort en déportation (il se disait d'ailleurs "Juif de la diaspora et berrichon"). Jeune homme pauvre, il fait ses études secondaires à Saint-Amand-Montrond (Cher).
Après son diplôme d'études supérieures de droit public, il est avocat à la cour d'appel de Paris dès 1954 et devient deuxième secrétaire de la Conférence du stage. Au civil, où sa causticité le rend redoutable, il est spécialiste des affaires de propriété littéraire, d'édition, de cinéma, de presse. Il a été notamment l'avocat des éditions Gallimard de longues années comme celui de Gaston Defferre, Simone Signoret, Eugène Ionesco ou Roland Barthes.
Des clients "atypiques"
Au pénal, il se plaisait à dire que ses clients étaient "atypiques". Georges Kiejman a ainsi défendu le militant d'extrême gauche Pierre Goldman, acquitté du double meurtre des pharmaciennes du boulevard Richard-Lenoir à l'issue de son second procès en 1976. Il avait aussi représenté les intérêts des Etats-Unis lors du procès de Georges Ibrahim Abdallah, le chef présumé des Fractions Armées révolutionnaires libanaises (FARL), condamné à perpétuité pour les attentats proche-orientaux à Paris en 1986.
Il a défendu également les autonomes italiens, les Cahiers du cinéma, la Nouvelle Vague, Robert de Niro, le préfet Yves Bonnet, la famille de Malik Oussekine, l'étudiant tué en marge des manifestations contre les lois Devaquet en 1986, les enfants du général Oufkir détenus au Maroc, les époux Aubrac, Charlie Hebdo…
En mai 1991, ce dandy devient ministre délégué à la Communication, après un passage de six mois comme ministre délégué auprès du garde des Sceaux. Il est ministre délégué à la Coopération internationale et au Développement entre 1992 et 1993. En 2011, cet homme de gauche avait défendu Jacques Chirac dans le procès des emplois fictifs à la Mairie de Paris. Marié à l'actrice Marie-France Pisier puis, depuis 1983, à la journaliste Laure de Broglie, il avait publié en 2021 "L'Homme qui voulait être aimé" (Grasset) avec Vanessa Schneider.