À mi-chemin entre Marseille et Nice, dans le village varois de Bormes-les-Mimosas, il surplombe l'eau turquoise de la Méditerranée. Le fort de Brégançon accueille depuis vendredi Emmanuel Macron pour deux semaines de vacances. Cette résidence présidentielle, perchée sur un piton rocheux accessible uniquement par une digue artificielle étroite, est le lieu de villégiature des chefs d'État français en période estivale. Mais si certains ont adoré profiter de son cadre majestueux, d'autres, au contraire, n'ont pas trouvé la demeure à leur goût.
Une seule nuit pour De Gaulle. Le général de Gaulle, par exemple, n'y a passé qu'une nuit, le 15 août 1964, pour le 20e anniversaire du débarquement en Provence. Problème : les moustiques empêchent le premier président de la Ve République de dormir, et son mètre 96 entre à peine dans le lit. Celui qui devait faire fabriquer des sommiers à sa taille dans les préfectures lorsqu'il était en déplacement en région abandonne l'idée de passer les vacances du fort de Brégançon, qu'il transforme toutefois officiellement en résidence présidentielle via un décret en 1968.
Pompidou et Giscard aiment Brégançon. La demeure trouve en revanche grâce aux yeux des deux présidents suivants, George Pompidou d'abord, Valéry Giscard d'Estaing ensuite. Le premier, grand amateur d'art contemporain, en aménage l'intérieur et y invite des artistes. George Pompidou apparaît régulièrement en bras de chemise, sans cravate, fait des parties de pétanque et des promenades en mer avec sa femme, Claude Pompidou. Valéry Giscard d'Estaing, lui, séjourne invariablement à Brégançon une semaine l'été, deux jours à la Pentecôte et un week-end l'hiver. Sa femme y installe un mobilier de style Louis XVI tandis que le chef de l'État fait creuser une terrasse et construire un dôme dans la salle à manger. C'est aussi à cette époque que la vidéosurveillance est installée.
Chirac nu sur le balcon. Jacques Chirac est le dernier président en date à avoir pleinement exploité le potentiel du fort de Brégançon. Le chef de l'État assiste à la messe à Bormes-les-Mimosas, puis se fait photographier en bermuda-chaussettes, en slip...et même complètement nu par certains paparazzi. Qui n'ont, néanmoins, jamais vendu les photos pour les publier.
Mitterrand et Sarkozy délaissent le fort. Les autres présidents de la Ve, eux, ont nettement mois apprécié d'y séjourner. François Mitterrand ne s'y rend que rarement. En 1995, il y reçoit néanmoins des journalistes pour les rassurer sur son état de santé et leur confirmer qu'il votera bien Lionel Jospin. Nicolas Sarkozy, lui, se rend au fort de Brégançon juste après son élection, le 18 mai 2007, avec son ex-épouse Cécilia Sarkozy. Mais il n'y revient que trois ans plus tard pour un séminaire de rentrée, préférant passer ses vacances au Cap-Nègre, dans la villa de Carla Bruni.
Hollande en maillot de bain. François Hollande n'aura pas plus d'appétence pour la demeure, dans laquelle il passe de premières vacances qui se terminent par un procès. Le chef de l'État attaque le magasine VSD après la publication de photographies de lui en maillot de bain avec sa compagne, Valérie Trierweiler. Preuve que la résidence l'intéresse peu, il l'ouvre au public en 2014. Les visiteurs découvrent alors une maison qui "n'a rien de luxueux, d'ostentatoire", précise le journaliste Guillaume Daret, auteur du Fort de Brégançon, histoire, secrets et coulisses des vacances présidentielles (Éditions de l'Observatoire). "Le bâtiment ressemble à une demeure bourgeoise provençale laissée dans son jus, avec ses murs blancs et ses tomettes au sol."
Travaux et piscine. En choisissant d'y passer ses vacances, Emmanuel Macron renoue donc avec la tradition du fort de Brégançon, délaissé par ses prédécesseurs. L'Élysée assume désormais le financement du site, pour une enveloppe annuelle de 150.000 euros, et a financé plusieurs travaux ces derniers mois, notamment au niveau des installations électriques et de la peinture. La volonté du couple Macron de construire une piscine hors-sol, pour un coût de 34.000 euros, a suscité la polémique.
Des rendez-vous politiques. Le chef de l'État veut refaire de Brégançon un lieu "pour des rencontres officielles et des petits sommets diplomatiques", explique-t-on au Palais. Dans cette optique, il y a reçu vendredi la Première ministre britannique, Theresa May, pour une réunion de travail et un dîner. Avant le marcheur, d'autres y ont bien fait de la politique. François Mitterrand avait accueilli au fort le chancelier allemand Helmut Kohl en 1985. Et c'est aussi là que Valéry Giscard d'Estaing avait reçu à dîner, en 1976, son Premier ministre Jacques Chirac. Ce repas, au cours duquel le chef du gouvernement se sentira "humilié" par son hôte assis dans un fauteuil quand lui et son épouse ne disposent que de chaises, scelle la rupture entre les deux têtes de l'exécutif.