Le premier débat de la primaire du PS et de ses alliés n'a pas été transcendant. Pas d'affrontements entre les sept candidats, des débats parfois très techniques et des différences de fond pas forcément très nombreuses, tels sont les principaux enseignements de la soirée de jeudi soir. Mais sur certains sujets, certains différends sont apparus. Et Jean-Luc Bennahmias est sorti du lot, parfois avec humour, parfois à son corps défendant. Mais il est la révélation de cette première confrontation.
Le bilan du quinquennat : "contrasté", "inachevé", "difficile à défendre" contre… "fierté"
Invité à tirer, d’un mot ou d’une expression, le bilan du quinquennat de François Hollande, la plupart des candidats n’ont pas été tendres, y compris ceux qui ont participé au début de ce quinquennat. Sauf bien sûr Manuel Valls, qui était encore Premier ministre début décembre 2016.
"Il est difficile à défendre", a ainsi estimé Arnaud Montebourg, qui a reconnu des avancées mais un échec sur le chômage. Benoît Hamon a lui fait part d’un "sentiment d'inachevé, comme si nous étions restés au milieu du gué". "Peut mieux faire", a abondé Jean-Luc Bennahmias, quand François de Rugy a évoqué un bilan "contrasté, en demi-teinte". Quant à Vincent Peillon, qui se pose en défenseur du bilan de François Hollande, il a reconnu "le sentiment d’une profonde incompréhension qui s'est établie avec le pays et avec ceux qui nous avaient soutenus".
Face à cette avalanche de critiques, Manuel Valls est resté droit dans ses bottes, évoquant sa "fierté d'avoir servi les Français dans une période très difficile". L’ancien Premier ministre a tout de même pu compter sur le soutien de l’un de ses adversaires. Sylvia Pinel, ministre du Logement jusqu’en février 2016, a en effet parlé de "responsabilité" et d'un "bilan qu'il convient de porter".
"Contrasté, inachevé...": voici comment les candidats à la Primaire de la Gauche juge le quinquennat de François Hollande #PrimaireLaGauchepic.twitter.com/i2liO3pYcr
— TF1 Le JT (@TF1LeJT) 12 janvier 2017
Toujours opposés sur la déchéance de nationalité
Le sujet avait divisé la gauche quand il était au cœur de l’actualité, il reste aujourd'hui un facteur de clivage. Quand la déchéance de nationalité a été évoquée, les différends d’hier ont réapparu. Et Manuel Valls, après un temps avoir éludé la question, a été contraint de défendre sa position. "Sur la déchéance de nationalité, bien sûr que ça a déchiré la gauche. Ça a été un débat difficile, douloureux", a reconnu l'ancien Premier ministre. "Mais enfin, cette loi, qui elle visait ? Elle visait les terroristes en premier lieu, ceux qui s'en prenaient à leurs propres compatriotes", a-t-il argumenté. Puis, plus lyrique : "Je reste marqué à tout jamais par la manifestation du 11 janvier (2015). Ici, je suis Charlie et je serai toujours Charlie et c'est ça qui doit nous rassembler", a-t-il estimé.
Sans surprise, Benoît Hamon n’a pas été convaincu. "Moi aussi, nous tous, nous sommes Charlie. Et beaucoup de ceux qui étaient concernés par la déchéance de nationalité, les binationaux, étaient Charlie. Parce qu’elle inscrivait dans la Constitution une différence entre des Français, cette mesure a heurté des millions de nos compatriotes."
Oui aux exécutions ciblées, mais avec le secret défense
C’est sans doute le moment où François Hollande a été le plus critiqué. Au moment d’évoquer les assassinats ciblés autorisés par le président de la République, selon les révélations parues dans le livre Un président ne devrait pas dire ça…, plusieurs candidats ont approuvé l’initiative, mais pas du tout la violation du secret professionnel.
"Nous sommes en guerre, il faut protéger les Français", a dit d'emblée Manuel Valls, mais "sur ces sujets, ce qui doit être fait doit être fait, ce qui doit être tenu secret doit être tenu secret". "Il y a peut-être parfois des responsabilités à prendre pour protéger ceux qu'on aime, mais en faire étalage c'est indécent, et en faire un sujet journalistique ça ne vaut pas mieux", a abondé Vincent Peillon, pourtant plutôt conciliant d’ordinaire avec le président de la République.
Enfin Arnaud Montebourg s’est dit "très choqué par la violation du secret défense, car il y a des hommes qui risquent leur vie pour défendre notre pays". Le candidat a toutefois admis que "s'il faut prendre ce genre de responsabilités, (il y est) prêt bien entendu, dans l'intérêt supérieur de la France".
Hamon et Bannahmias bien seuls sur le revenu universel
C’est l’une des propositions phares de Benoît Hamon, celle d’un revenu universel versé à tous les Français sans conditions de ressource. Mais elle ne fait pas l’unanimité, loin de là. Seul Jean-Luc Bennahmias s’y déclare lui aussi favorable. L’ancien ministre de l’Éducation et le président de Force démocrate ont donc dû se défendre sur cette question.
Évoquant la société de paresse et de farniente évoquée par Manuel Valls quelque jours plus tôt, Benoît Hamon s’est insurgé. "Quand Michel Rocard mettait en place le RMI, on entendait des arguments semblables selon lesquels ça allait encourager le laxisme. Quand Martine Aubry mettait en place la CMU, on disait que les pauvres allaient être très consommateurs en matière de santé. Ça n'a pas été le cas", a-t-il estimé, tout en admettant qu’une telle mesure devrait être mise en place par étapes. "Le revenu universel sert l'ensemble de la société", a plaidé de son côté Jean-Luc Bennahmias.
"Il n’est pas praticable. Ça coûte 400 milliards. Qui les paiera ?", s’est interrogé Vincent Peillon, qui y voit aussi une limite philosophique. Idem pour Manuel Valls. "Je veux une société du travail, qui mette le travail au cœur, parce qu’il procure de la dignité", a expliqué l’ancien Premier ministre. Enfin, Arnaud Montebourg a estimé que ce n’est pas en "prélevant 400 milliards, qu’on pourra remettre en marche la machine économique".
Bennahmias fait le spectacle
Il s’agissait, pour les petits candidats, de se faire remarquer. À ce titre, Jean-Luc Bennahmias a parfaitement réussi sa soirée, même si parfois cela a été à ses dépens. Mais il faut reconnaître au président de Force démocrate d’avoir quelque peu sauvé la soirée de l’ennui. D’abord quand il s’est insurgé, très tôt, du peu de temps de parole accordé aux "petits" candidats. "Il faudrait remettre les pendules à l’heure", s’est-il agacé.
Jean-Luc Bennahmias a aussi tenté l’humour, avec la participation amicale de Manuel Valls. Alors que le président de Forcé democrate évoquait l’oeuvre de (Fidel) Castro, l’ancien Premier ministre a précisé qu’il s’agissait de l’architecte et non du dirigeant cubain décédé il y a peu. "Je ne parlais pas de Ségolène Royal", a alors tenté Jean-Luc Bennahmias, en référence à la polémique née après l’hommage rendu par la ministre de l’Écologie au Lider maximo. "C’était de l’humour, très mauvais, c’est vrai", a poursuivi, penaud, le président du Front démocrate.
Jean-Luc Bennahmias avait aussi oublié un point de son programme, évoqué par ses interlocuteurs, mais qui se trouve pourtant bel et bien sur son site de campagne…