Provoquer un "choc d'offre" de logements en construisant "plus, plus vite, mieux et moins cher", voilà l'objectif de la loi Elan (évolution du logement et aménagement numérique) qui arrive en Conseil des ministres mercredi. En gestation depuis l'automne, ce texte est finalement accouché dans la douleur par l'exécutif, très critiqué tout au long du processus, et encore aujourd'hui. Le monde associatif, mais aussi les architectes, les bailleurs sociaux et les professionnels du bâtiment ont, à plusieurs reprises, formulé des inquiétudes et des reproches.
Bras de fer avec les bailleurs sociaux. Les bailleurs sociaux ont été les premiers à monter au créneau pour dénoncer la réorganisation du système français des HLM. Dans une première version du texte, il était prévu l'obligation, pour les plus petits d'entre eux, de fusionner afin d'encourager la construction. Un compromis a finalement été trouvé, après de multiples "conférences de consensus", autour d'une simple incitation au regroupement. Ce qui n'empêche pas d'autres points de faire débat.
D'abord parce que la Confédération nationale du logement (CNL) s'inquiète de la vente facilitée de logements sociaux à des particuliers ou d'autres organismes. C'est déjà possible aujourd'hui : quelque 9.000 logements sociaux sont vendus tous les ans. Mais le gouvernement voudrait accélérer la cadence et passer à 40.000. Une "privatisation" des HLM, selon la CNL.
Les architectes montent au front. Autre point d'achoppement concernant les HLM, mais avec les architectes cette fois : la disparition des concours d'architectes préalables à la construction de logements sociaux. Pour le gouvernement, l'objectif est de raccourcir les délais. Et il ne s'agit pas, selon lui, de court-circuiter purement et simplement les architectes, simplement de simplifier les procédures. Mais les architectes, eux, dénoncent une dégradation de la qualité des logements neufs à venir.
Le bail mobilité fait débat. Autre innovation du texte : le bail mobilité, qui permet à des candidats à une formation, un stage ou un emploi de se loger dans un meublé pendant un à dix mois, non renouvelable, sans verser de caution. En échange, une garantie contre les loyers impayés et d'éventuelles dégradations sera offerte au propriétaire. Mais là encore, la CNL craint une prolifération de ces contrats courts et une précarisation globalisée du logement.
La brûlante question de l'accessibilité. Enfin, la loi Elan hérisse les associations représentant les personnes en situation de handicap. En effet, elle prévoit seulement 10% de logements neufs accessibles aux handicapés, contre 100% aujourd'hui. Les autres devront être "évolutifs", c'est-à-dire modifiables, moyennant travaux, en cas de perte d'autonomie de l'habitant. Là encore, l'objectif est de faire simplifier la réglementation afin de faire des économies et encourager la construction de logements. Mais cela correspond à une "grave régression sociale", selon 13 organisations, notamment l'Association des paralysés de France (APF), qui se sont insurgé dans un communiqué ce week-end. "C'est catastrophique, c'est discriminatoire", ajoute Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l'APF, au micro d'Europe 1. "Et qui va payer les travaux ? Nous sommes très inquiets."
Simple "posture" pour Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des Territoires, qui s'est exprimé sur LCI. Lui souligne s'être entretenu avec le président de l'APF en amont de la présentation du projet. "C'est un sujet qui, à l'époque, ne soulevait pas de réactions négatives."