Crise du logement : les impayés de loyers augmentent, les expulsions explosent en 2024

Les commissaires de justice ont constaté une explosion des expulsions de locataires sur l'année 2024, un signe de l'aggravation de la crise du logement en France. De plus, les procédures juridiques pour impayés de loyers sont toujours plus nombreuses. Cette hausse s'explique notamment par "une purge des dossiers bloqués par le Covid".
Signe de l'aggravation de la crise du logement en France, les commissaires de justice ont constaté en 2024 une explosion des expulsions de locataires, en hausse de 87% sur un an, et des procédures juridiques pour impayés de loyers toujours plus nombreuses.
L'année dernière, 24.000 procès-verbaux d'expulsion de ménages ont été délivrés, contre 12.825 en 2023, selon des chiffres présentés jeudi par la Chambre nationale des commissaires de justice.
"Une purge des dossiers bloqués par le Covid" et une "problématique de pouvoir d'achat"
Régis Granier, vice-président de la Chambre nationale des commissaires de justice, explique cette hausse par "une purge des dossiers bloqués par le Covid". A laquelle s'ajoute une "problématique de pouvoir d'achat et de crise du logement", selon Benoît Santoire, président de la chambre.
Ces chiffres, publiés à dix jours de la fin de la trêve hivernale et de la reprise des expulsions, montrent "une tendance très inquiétante et de long terme", selon Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre).
"Il y a un rattrapage des années Covid, mais aussi une dégradation de la situation des impayés, liée à la fois à une fragilisation des ménages au moment du Covid et surtout à l'inflation des années 2021, 2022, 2023 et des grandes difficultés à payer toutes les factures", retrace-t-il auprès de l'AFP. La "majorité" des expulsions concernent des logements sociaux, selon Régis Granier.
Cette hausse alarmante des expulsions est à nuancer en prenant en compte les autres chiffres rapportés par les commissaires de justice, anciennement huissiers, dont le rôle est d'exécuter les décisions de justice, notamment dans le cadre des procédures d'impayés de loyer. En 2024, 171.000 commandements de payer ont été signifiés à des locataires, en hausse de 11% sur un an, ce qui est le premier acte après l'ouverture d'une procédure juridique pour impayé de loyer par un propriétaire.
10% à 15% des ménages expulsés sont relogés
Et les décisions de justice qui résilient un bail et ordonnent l'expulsion du locataire, "commandement de quitter les lieux", ont progressé de 9,3% sur un an, à 81.000. "Il y a une augmentation à toutes les étapes" des procédures d'impayés de loyer, souligne Manuel Domergue, ce qui est pour lui "encore plus inquiétant", car cela va "alimenter les expulsions de 2025 et 2026". Autres signes de ces difficultés croissantes à joindre les deux bouts, une hausse du nombre d'impayés de charges de copropriété, qui concerne un million de propriétaires et 800.000 copropriétés en difficulté de trésorerie.
Début mars, le Médiateur national de l'énergie a indiqué avoir constaté une quatrième hausse annuelle consécutive du nombre d'interventions pour des impayés de factures d'électricité et de gaz, en 2024 : 1,2 million d'interventions, soit 24% de plus qu'en 2023.
Selon la Cour des comptes, il y a eu 19.023 expulsions en présence des forces de l'ordre en France en 2023, soit 17% de plus que l'année précédente, un chiffre différent de celui pris en compte par les commissaires de justice. Cette fermeté accrue s'explique par "les consignes données aux préfets d'être plus ferme et l'absence de tolérance des impayés", selon Manuel Domergue, qui s'inquiète que la moitié des ménages expulsés se retrouvent hébergés à l'hôtel alors que ces hébergements sont saturés.
Les commissaires de justice estiment que 10% à 15% des ménages expulsés sont relogés, mais précisent qu'il n'existe pas de chiffres officiels consolidés. Ils alertent par ailleurs concernant les abandons de logements - le locataire est parti sans donner congé et parfois sans rendre les clefs - dont le nombre de constats officiels a augmenté de 8% en 2024, à 5.350.