Toujours tiré à quatre épingles, coupe sage et cravate nouée serrée, l'homme a gravi tous les échelons, ou presque. Nicolas Bay est devenu, cette semaine, le chef de file des eurodéputés Front national, en lieu et place de Marine Le Pen. Celui que certains, au sein du parti frontiste, dépeignent volontiers en anti-Philippot, accède donc à des responsabilités fort convoitées à l'approche des élections européennes de 2019. Et s'impose, à 39 ans, comme le nouvel homme fort de l'extrême droite, alors que les difficultés s'accumulent pour Marine Le Pen.
Retour en grâce. Cette promotion, si elle n'a rien de surprenant au vu du parcours récent de Nicolas Bay au FN, s'apparente plus à un retour en grâce lorsqu'on regarde un peu plus loin en arrière. À 15 ans, cet ancien membre des scouts unitaires de France s'engage au Front. Pour suivre l'exemple de ses parents, anciens giscardiens ayant peu à peu glissé vers l’extrême droite. Et parce qu'il vient d'assister à Paris à un discours de Jean-Marie Le Pen, qui le séduit immédiatement. Mais en 1998, lors de la scission entre Bruno Mégret et le Menhir, c'est le premier que Nicolas Bay décide de suivre.
Quand il tapait sur Marine Le Pen. Adhérent du parti mégrétiste né de cette scission, le Mouvement national Républicain, le jeune homme prend rapidement des responsabilités. Il devient conseiller municipal de Sartrouville en 2001, puis se présente aux législatives l'année suivante. Avant de se retrouver tête de liste aux régionales de 2004 en Île-de-France, face à une certaine...Marine Le Pen. À l'époque, le chef d’entreprise n'hésite pas à cogner, et fort, contre celle qui deviendra plus tard la présidente du Front national mais n’est alors encore "que" la fille de son père. "Elle est un peu le Tanguy de la politique régionale", assène-t-il sur France 3. "À 36 ans, elle vit dans le château de son père, à Saint-Cloud, elle est payée par son père au siège du FN et son mari est payé également par son beau-père."
Retour sur la pointe des pieds. Comment celui qui affirme alors avec aplomb n'avoir "rien à voir avec le Front national" y est-il finalement revenu ? Discrètement, en passant par les coulisses. En renouant avec Marine Le Pen, ce qui agace considérablement Bruno Mégret, retiré de la vie politique en 2008, et entraîne son exclusion du MNR la même année. Puis en se présentant sur la liste FN aux européennes de 2009.
Bosseur. En interne, son retour ne fait pas l'unanimité. La géométrie variable de ses allégeances agace les uns, inquiète les autres. Mais on lui reconnaît volontiers des qualités de bosseur et d’organisateur, très précieuses dans un parti qui manque cruellement de cadres. C'est dans cette brèche que Nicolas Bay s'engouffre. Propulsé secrétaire général adjoint en 2012, après avoir conseillé Marine Le Pen pour la présidentielle, il co-pilote la campagne des municipales 2014. Et, la même année, accède au rang de secrétaire général.
Réseau. S'il en est arrivé là, ce n'est pas seulement parce qu'il était l'apparatchik chevronné dont le FN avait besoin au bon endroit au bon moment. Nicolas Bay avait aussi un réseau que le parti pouvait mettre à profit. Réseau qui s'étend de la droite traditionnelle -il a milité au FNJ avec Guillaume Peltier, désormais LR- aux identitaires -il connaît bien Frédéric Châtillon, ancien président du GUD-, dont le parti frontiste veut se rapprocher pour les élections locales.
"Rester à sa place". Sa discrétion plaît aussi. "Il fait passer le parti avant sa personne et sait rester à sa place", estime ainsi le député frontiste Gilbert Collard dans les colonnes du Figaro. "Il fait partie de ceux qui font primer le collectif et qui sont prêts à tout sacrifier à l'intérêt général du mouvement. Se montrer à la télé n'a jamais rempli les urnes." Un tacle non dissimulé au champion des plateaux de télé et des studios radio, Florian Philippot, vice-président du parti.
" Il fait partie de ceux qui font primer le collectif et qui sont prêts à tout sacrifier à l'intérêt général du mouvement. "
L'anti-Philippot. Ce n'est d'ailleurs pas le seul point sur lequel ce dernier et Nicolas Bay s'opposent. Le secrétaire général du Front national est résolument catholique, a manifesté contre le mariage pour tous après avoir déjà lutté contre le Pacs. C'est aussi l'incarnation de l'aile plus libérale économiquement du FN, contrairement à un Florian Philippot étatiste. En 2004 déjà, il ne "pensait pas qu’il faut sortir de l'Europe dans le quart d’heure qui suit". Désormais, celui qui ne rejette pas l’expression "grand remplacement" souhaite recentrer les débats sur les questions d’immigration qui, pense-t-il, assureront le succès de sa famille politique. "Parler moins de ce sujet fondamental serait à la fois irresponsable politiquement et stupide stratégiquement", a-t-il lancé dimanche lors de la rentrée politique de la fédération frontiste du Var.
Toutes les cartes en main. Dans ses positions, Nicolas Bay se rapproche donc plus de Marion Maréchal-Le Pen. Et ses relations avec Florian Philippot et les proches de ce dernier sont d'ailleurs tumultueuses. Sur RTL, l'eurodéputée Sophie Montel avait ainsi fustigé sa gestion de la campagne des législatives, l'accusant d'avoir sciemment plombé certains candidats proches d'elle et du vice-président du FN. "Je n'entretiens pas forcément les meilleures relations du monde" avec Nicolas Bay, avait glissé l'élue. Mais à l'heure où la "ligne Philippot", plus étatiste économiquement et moins conservatrice sociétalement, est fortement remise en cause au sein du Front national, où la sortie de l'euro n'est plus érigée en priorité par de nombreux cadres qui lui attribuent les défaites électorales successives du parti, Nicolas Bay a toutes les cartes en main.
Numéro deux. Au point de franchir les derniers échelons jusqu'à la présidence du parti ? Ce n’est pas d'actualité. Les occupations de Nicolas Bay au Parlement européen vont devenir de plus en plus prenantes à mesure que les élections de 2019 approchent. Le Congrès du FN qui se tiendra en 2018 devrait voir, sans grande surprise, Marine Le Pen être réélue à sa tête. Et en coulisses, les proches de la présidente s'activent déjà à préparer 2022. Nicolas Bay reste donc pour l’instant secrétaire général. Même si la disgrâce du vice-président Florian Philippot fait de lui, en pratique, le nouveau n°2 de la formation politique.