Des vaches bien sûr, des cochons, des moutons et beaucoup de lapins pour compenser l'absence momentanée des volailles : les bêtes seront nombreuses à être exposées au Salon de l'agriculture, qui ouvre ce week-end à Paris. Mais les plus scrutées, admirées et jugées ne sont pas toujours celles que l'on croit. Des animaux qui défileront pendant quinze jours, il est fort à parier que ce seront les politiques qui prendront le plus la lumière, année électorale oblige.
Sera-t-il possible de déduire de leur passage, forcément filmé, enregistré, commenté, leur résultat à l'élection présidentielle ? Pour mener cette analyse de haute volée, intégralement basée sur des images d'archives et des liens de cause à effet plus que ténus, Europe1.fr s'est penché sur les précédentes éditions du Salon. Peut-on gagner lorsqu'on se fait siffler dans les allées du Parc des Expositions de la porte de Versailles ou qu'on ne sait pas boire du rouge avec son steak à 8 heures du matin ? Le nombre de suffrages est-il proportionnel au temps passé sur place ? Est-il possible qu'un bovin mal luné "sente" la défaite chez un prétendant ? Enquête.
2012 : une prime à celui qui reste le plus longtemps
Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy et François Hollande étaient les grands favoris de l'élection présidentielle. À bien regarder leur passage au Salon de l'Agriculture cette année-là, au mois de février, il était peut-être déjà possible de déceler les germes de la défaite du premier. Certes, Nicolas Sarkozy avait mis toutes les chances de son côté : arrivé une heure en avance, flanqué de son ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, il avait parcouru le salon aux côtés de Frédéric Nihous, ancien candidat Chasse, pêche, nature et traditions. Difficile de rêver mieux pour se présenter comme le candidat de la France rurale.
Mais Nicolas Sarkozy avait aussi été vivement interpellé par la fédération des producteurs de fruits et légumes, à laquelle il avait opposé une fin de non-recevoir : "Je n'ai pas besoin d'un coup de marteau pour me faire rentrer dans la tête des choses que je sais. Vous m'avez demandé d'alléger les charges, c'est fait." Surtout, le candidat UMP n'avait passé "que" quatre heures sur le salon.
Soit trois fois moins que son rival, François Hollande, qui avait arpenté les allées pendant douze heures d'affilée à un rythme d'enfer. Petit-déjeuner au pavé de bœuf, bains de foule interminables, douche de vaches par ailleurs peu farouches : le socialiste n'avait pas ménagé ses efforts pour conquérir un électorat qui ne lui était pourtant pas acquis. Et avait finalement été élu en mai 2012. Coïncidence ? Nous ne pensons pas.
2007 : les bovins choisissent Sarkozy
C'est bien connu, les animaux ont de l'instinct. Pour assurer leur survie généralement. Se pourrait-il qu'il serve aussi à déceler le potentiel de candidats à la présidentielle ? En 2007, Ségolène Royal a eu bien du mal avec les bovins sur le salon de l'Agriculture. Une vache s'est enfuie à son approche, une autre (pourtant originaire, comme la candidate, de Poitou-Charentes) a tenté de l'encorner. Manger un bon steak au petit-déjeuner n'a pas réussi à inverser la vapeur.
À l'inverse, Nicolas Sarkozy s'était montré très pro, capable de faire aisément la différence entre une vache et un taureau. Et de poser sa main sur le front des bovins sans se prendre un coup de corne. La victoire deux mois plus tard lui était promise.
Notons également la très bonne performance de François Bayrou, venu deux fois sur le salon cette année-là et très à l'aise. On n'en attendait pas moins de celui qui avait fait du tracteur le symbole de sa campagne. Le fils d'agriculteur béarnais a fait honneur à son ascendance en se pliant à l'épreuve de l'entrecôte et du jambon de pays au petit-déjeuner et en flattant bien des encolures (et des électeurs potentiels). Résultat : 18,57% des voix au premier tour, son meilleur score. À l'inverse, José Bové n'avait pas jugé bon de venir. Et n'avait recueilli qu'1,32% des suffrages.
2002 : indétrônable Jacques Chirac
Difficile pour qui que ce soit de rivaliser avec Jacques Chirac au Salon de l'agriculture. Candidat à sa réélection en 2002, l'ancien président avait déclenché des cris de joie et d'encouragement sur son passage, pourtant plus court qu'à l'accoutumée (seulement cinq heures). Passage par ailleurs millimétré : le chef de l'État avait soigneusement évité les stands "chauds", notamment celui de la confédération paysanne emmenée par José Bové. Ainsi que celui du ministère de l'Agriculture, socialiste, cohabitation oblige.
Il faut néanmoins admettre que cette année-là, si les signes distillés pendant le Salon permettaient de prédire l'élection de Jacques Chirac, ils ne plaçaient pas Jean-Marie Le Pen dans le duo de tête. Le président et candidat du Front national avait été copieusement hué par des visiteurs. À l'inverse, Lionel Jospin ne s'était pas mal débrouillé, surtout par comparaison avec sa visite l'année précédente, marquée par des jets d'œufs. La présence d'un important dispositif policier n'y était sûrement pas pour rien, mais le Premier ministre de l'époque avait pu serrer des mains en toute tranquillité. Seul indice : un énorme filet de bave négligemment déposé sur sa veste par une Salers, comme un avertissement à la claque du 21 avril. Il semble que, décidément, les bovins aient souvent le mufle creux.