Élisabeth Borne a surmonté sans surprise lundi deux nouvelles motions de censure à l'Assemblée, obtenant l'adoption en première lecture du volet "recettes" du budget de la Sécurité sociale avant un nouveau 49.3 imminent pour faire passer sans vote sa partie "dépenses". Les motions de la gauche (LFI, communistes et écologistes) et du RN n'ont obtenu respectivement que 223 et 88 voix sur 289 requises pour faire tomber le gouvernement. Elles ripostaient au recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire passer sans vote la première partie de ce budget (PLFSS).
Accusée par les oppositions de "banaliser" cet outil décrié, qui permet au camp présidentiel de pallier son absence de majorité absolue, la Première ministre les a renvoyées à leurs "mensonges" et "tentatives d'obstruction", devant un hémicycle clairsemé. "J'agis dans l'intérêt du pays et je prends mes responsabilités", a-t-elle lancé, défendant un PLFSS qui prévoit "une nouvelle hausse des moyens" tout en "garantissant la soutenabilité financière de notre modèle".
"Vous êtes des pinces"
Les oppositions lui ont au contraire toutes reproché un sous-financement du système de santé, et en particulier de l'hôpital, dans ce PLFSS qui table sur un déficit de la Sécurité sociale de 11,2 milliards d'euros en 2024. L'Assemblée "ne veut pas de votre budget", lui a lancé le député LFI Hadrien Clouet. "Que ce soit par désintérêt, par manque de sérieux ou parce que vous êtes des pinces dès qu'il s'agit de protection sociale, vous devez partir". L'élu RN Pierre Meurin a pour sa part dénoncé "une tiers-mondisation médicale" du pays.
Les Républicains (LR) excluant de faire tomber le gouvernement sur un budget, les motions n'avaient pas plus de chances d'aboutir que celles repoussées il y a près de dix jours sur le budget de l'État. Une fois les motions écartées, l'examen de la partie "dépenses" du PLFSS a démarré en début de soirée. Les députés en ont adopté deux articles consensuels : l'un prévoyant un déploiement de la campagne de vaccination contre le papillomavirus dans les établissements scolaires et l'autre la gratuité des préservatifs en pharmacie pour les moins de 26 ans.
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Mais les députés s'attendent à être interrompus rapidement. Et des sources ministérielles ont confirmé à l'AFP que le gouvernement envisageait de recourir à nouveau dès lundi au 49.3. Il s'agirait du quinzième pour Élisabeth Borne et du troisième sur les budgets de 2024 en première lecture. Il l'exposerait à de nouvelles motions de censure dont le rejet permettrait cette fois à l'ensemble du PLFSS d'être adopté en première lecture à l'Assemblée et de poursuivre sa route au Sénat.
Suspense sur les franchises
Le volet "dépenses" comprend des mesures d'économies controversées, comme la possibilité de suspendre les indemnités journalières d'un assuré quand un médecin mandaté par son employeur juge son arrêt de travail injustifié. Ou la diminution du remboursement en cas de refus un transport sanitaire partagé. Une autre mesure a cristallisé une partie des débats sans même figurer dans ce PLFSS : le doublement possible du reste à charge des assurés pour les médicaments (actuellement 50 centimes par boîte) et les consultations (1 euro). Interpellé à gauche comme à droite, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave a confirmé la semaine passée que cette hausse était "envisagée".
Mais il n'a pas assuré pour autant qu'elle serait mise en œuvre, rappelant que d'autres pistes d'économies existaient. Et qu'une hausse des franchises ne relevait pas du PLFSS, mais du "domaine réglementaire".
Cannabis médical
Une incertitude reste aussi de mise pour une autre mesure explosive : la possible mise à contribution de l'Agirc-Arrco, la caisse de retraites complémentaires du privé. Le gouvernement a certes renoncé "à ce stade" à ponctionner ce régime géré par les syndicats et le patronat. Mais sans exclure d'y revenir lors de la suite des débats budgétaires. "Je préfère laisser les partenaires sociaux trouver des solutions, plutôt que de contraindre les ressources de l'Agirc-Arrco", a assuré lundi Mme Borne. Selon une source ministérielle, l'exécutif souhaite que le régime complémentaire accepte de contribuer à hauteur de 400 millions d'euros en 2024 aux revalorisations des petites pensions.
L'usage du 49 alinéa 3 permet au gouvernement d'intégrer les amendements de son choix, dans le texte sur lequel il engage sa responsabilité. Il prévoit par exemple d'ajouter l'octroi d'un "statut temporaire" de cinq ans au cannabis thérapeutique, dans l'attente d'une décision d'autorisation des autorités européennes.