Après sa victoire à la primaire de la droite, François Fillon a les mains libres pour remodeler son parti à sa guise. Du moins, en théorie. Car en pratique, le candidat LR à la présidentielle se doit de rassembler sa famille politique. Il lui faut donc prendre soin de ménager toutes les sensibilités et de ne vexer personne.
La tâche n'est pas des plus aisées. Notamment pour désigner celui ou celle qui tiendra les rênes du parti. Actuellement, c'est Laurent Wauquiez qui s'en charge. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes est devenu président par intérim lorsque Nicolas Sarkozy a quitté son poste pour se lancer dans la course à la primaire. Mais il est difficile, très difficile, pour François Fillon, de le maintenir.
Trop sarkozyste pour être maintenu. Certes, Laurent Wauquiez l'a immédiatement félicité après sa victoire, et a plus ou moins subtilement sous-entendu qu'il aimerait garder son poste. "Chacun devra faire les gestes pour que la primaire ne laisse pas de blessures. Dans les responsabilités qui sont les miennes, j'y œuvrerai pleinement", avait-il écrit dans un communiqué. Mais pendant toute la campagne, Laurent Wauquiez s'est illustré par son soutien appuyé à Nicolas Sarkozy. Si le parti était censé être neutre, son président par intérim, lui, n'a jamais fait mystère de ses préférences. Il serait donc compréhensible que François Fillon souhaite placer l'un de ses fidèles à un poste clef.
D'autant que le vainqueur de la primaire à droite a en mémoire ce qui s'était passé à gauche, en 2011. Battue à la primaire socialiste, Martine Aubry était restée à la tête du PS. Non seulement elle n'avait pas toujours apporté un soutien très enthousiaste à François Hollande, mais elle avait surtout gardé la main sur les investitures pour les législatives. Ce qui explique, au moins en partie, que le président socialiste ait eu tant de mal à tenir les députés de la majorité.
Trop nuisible pour être remercié ? Le problème, c'est que Laurent Wauquiez ne compte pas se laisser faire. Selon Les Échos, le président par intérim a multiplié les messages éloquents, lundi, auprès de ses proches. "Couper les têtes, ce serait une violence inutile", a-t-il averti. "En me virant, [François Fillon] s'achète gratuitement un opposant." La menace était toute aussi claire dans L'Express, lundi : "s'il entre dans la violence dès le premier jour, il ne doit pas s'attendre à recevoir des fleurs tous les jours." Voilà François Fillon prévenu : Laurent Wauquiez n'hésitera pas à mener une fronde contre lui, l'accusant de liquider l'héritage sarkozyste en l'évinçant.
" En me virant, Fillon s'achète gratuitement un opposant. "
Pénurie de candidats. L'exercice est d'autant plus délicat pour François Fillon que les candidats ne se bousculent pas pour prendre la tête du parti. Gérard Larcher, l'un de ses proches, peut difficilement cumuler ce rôle avec son poste de président du Sénat. Bruno Retailleau, autre fidèle lieutenant, a déjà expliqué que la présidence de la région Pays-de-Loire "suffi[sait] très largement à [son] bonheur". Quant à Bernard Accoyer, dont le nom a été lâché par certains médias dès lundi après-midi, il n'a pas fait preuve de beaucoup d'enthousiasme. "Je n'ai pas encore eu cette question qui m'a été posée, mais ça n'est pas dans mes intentions à cette heure", a-t-il assuré lundi matin.
Compensation. François Fillon, qui a passé son lundi à "consulter" autour de lui pour arrêter les derniers arbitrages, doit annoncer sa décision mardi soir, lors d'un bureau politique. Dans la matinée, lors de la réunion de groupe des députés LR à l'Assemblée, le nouveau champion de la droite à la présidentielle a confirmé à demi-mots qu'il allait bien remplacer Laurent Wauquiez. "Après cette primaire, il est naturel d'ajuster les instances dirigeantes de notre parti", a-t-il dit. Mais le futur ex-président par intérim des Républicains devrait obtenir une compensation. "J'en ai parlé avec Laurent Wauquiez", a poursuivi François Fillon. "J'aurai soin de faire les choses avec efficacité et amitié car tout le monde sera utile dans les mois et les années à venir." Reste à savoir où le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes serait le plus "utile" au vainqueur de la primaire.