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Florin Hossu (sur place), édité par Gauthier Delomez avec AFP
Dans le cadre de sa campagne présidentielle, l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon a tenu un meeting en Martinique, samedi soir. Le candidat a prononcé un discours reprenant les thèmes d'actualité, comme la crise sanitaire et sociale aux Antilles, et veut se démarquer des remous à gauche.
REPORTAGE

Quand le décalage horaire redouble un décalage d'atmosphère : Jean-Luc Mélenchon "mène campagne" et déroule sa stratégie en Guadeloupe et en Martinique au moment où le reste de la gauche est en ébullition autour des appels à l'union. Christiane Taubira et lui ? "On n'est pas du même monde". En faisant mine de se désintéresser de l'hypothèse d'une candidature de l'ancienne ministre socialiste, mercredi soir après son meeting au Gosier en Guadeloupe, le candidat Insoumis entendait marquer une différence avec une "vieille gauche" qui "se ridiculise".

"Battez-vous entre vous et laissez-moi tranquille"

Et c'est à contrecœur qu'il a dû s'interrompre vendredi, lors de la visite d'un moulin hydraulique en plein cœur de la Martinique pour répondre aux questions des journalistes, après l'adresse de Christiane Taubira annonçant qu'elle "envisageait d'être candidate" en janvier. "Ne sont concernés par l'entonnoir (des discussions à gauche) que ceux qui veulent y rentrer, pas moi. Total respect pour tout le monde, mais battez-vous entre vous et laissez-moi tranquille", a-t-il balayé.

L'Insoumis affecte depuis le début de son voyage aux Antilles, mardi, un profond détachement vis-à-vis des interrogations qui taraudent une partie de la gauche, ces derniers jours: face au morcellement des candidatures, faut-il comme la socialiste Anne Hidalgo prôner une primaire, ou parier sur une figure sur le retour comme Christiane Taubira ?

"On ne gagne pas les élections sur un nom", lance Mélenchon à Taubira

Il a cependant décidé d'être plus direct, samedi dans son meeting au Lamentin en Martinique : "On ne gagne pas les élections sur un nom mais sur un programme", a-t-il lancé en référence au prestige dont jouit Christiane Taubira, tant en outremer que chez certains électeurs de gauche. "On ne prend pas le peuple par surprise trois mois avant une élection", a-t-il ajouté

L'embarras de l'écologiste Yannick Jadot, le seul à même pour l'instant de rivaliser dans les sondages avec lui à gauche, mais qui n'en finit plus de justifier son refus d'une primaire, amuse en tout cas Jean-Luc Mélenchon : "En ce moment pas mal de monde est encalminé, je ne vais pas vous dire que ça me rend triste".

À l'abri de l'agitation politique

Le voyage aux Antilles tombe bien pour lui. Il peut rester dans son couloir et dérouler sa stratégie à l'abri de l'agitation. D'autant que les outremers occupent une place importante dans son soutien tous azimuts aux luttes sociales. Mais aussi sur les valeurs. Le concept de "créolisation", repris au poète martiniquais Edouard Glissant et signifiant une nouvelle forme d'universalisme basé sur le métissage de fait des cultures, est devenu central dans sa campagne. "Je m'ennuie si je ne me mets pas des objets théoriques sur la table", a-t-il expliqué. "La créolisation, je m'en veux de ne pas y avoir pensé plus tôt".

Que ce soit en Guadeloupe ou en Martinique, le député des Bouches-du-Rhône a mis un point d'honneur à faire ressentir à leurs habitants que ces territoires sont non pas "ultra-périphériques" mais des "loupes" sur la situation de la France entière, comme il l'a dit en meeting.

Les Insoumis fiers de l'affluence de leurs meetings

Les Insoumis se targuent d'ailleurs de faire les meetings les plus courus à gauche : après celui de La Défense (près de 5.000 personnes) il y a deux semaines, ils ont rassemblé plusieurs centaines de soutiens en Guadeloupe, puis en Martinique. Selon l'eurodéputé Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, "Jadot a eu tort de ne pas mieux penser son meeting de lancement à Laon", le weekend dernier, un événement de petit calibre et assumé comme tel.

Le stratège insoumis utilise aussi un autre "signal", la plateforme de soutien numérique à la candidature de Jean-Luc Mélenchon, qui affiche désormais 266.000 signatures avec un rythme d'inscriptions plus élevé ces dernières semaines.

Reste que les sondages créditent le candidat d'entre 7 et 13% des voix, loin du second tour. De surcroît, Jean-Luc Mélenchon ne peut se repaître des difficultés à trouver l'union entre les autres candidats. "Cela désespère et démobilise les électeurs", y compris ceux qui pourraient voter pour lui, confie un de ses proches. Le risque est aussi pour le candidat de se laisser leurrer par le terrain du moment, qui lui est favorable: en 2017, il avait obtenu 24% des voix en Guadeloupe et 27% en Martinique.