Il ne compte pas se laisser voler sa campagne. Empêtré dans les révélations du Canard enchaîné sur les rémunérations versées à ses proches, François Fillon a dénoncé mercredi un "coup d’Etat institutionnel" venant de la gauche. Annoncé comme le favori pour la présidentielle depuis sa victoire surprise à la primaire de la droite, François Fillon fait désormais l’objet d’une enquête préliminaire sur un éventuel détournement de fonds publics, de quoi semer le trouble chez les militants de droite et les parlementaires. Avant lui, d'autres candidats à la fonction suprême ont vu leur campagne plombée par les affaires. Tour d'horizon :
- VGE et les diamants de Bokassa
2 mars 1981 : Valéry Giscard d’Estaing annonce sa candidature à sa succession. Le président sortant fait figure de favori face au représentant de la gauche, François Mitterrand, mais les opposants de VGE vont largement se servir d’une affaire sortie deux ans plus tôt pour mettre à mal l’intégrité du candidat. En effet, dans un article d’octobre 1979, Le Canard enchaîné affirmait que le président de la République avait reçu, alors qu’il était encore ministre des Finances, des diamants de la part du dictateur centrafricain Jean-Bedel Bokassa, le tout pour une valeur d’un million de franc. Le chef de l’Etat tarde alors à réagir : "Il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison", affirme-t-il.
Pourtant, le mal est fait ; l’affaire écorne lourdement la réputation de VGE, et nourrit l’image d’un monarque républicain, détaché d’une France en crise après le premier choc pétrolier. Durant la campagne de 1981, les jeunes militants socialistes s’amusent à placarder des diamants sur les affiches de Giscard qui, le 10 mai 1981, s’incline face à Mitterrand. Si elle n’a pas vraiment scellé le sort du candidat, l’affaire des diamants aura largement contribué à empoisonner l’entreprise de reconquête de Giscard, déjà handicapé par la fronde du RPR, parti en campagne derrière Jacques Chirac.
- Edouard Balladur et l’affaire Schuller-Maréchal
L’ancien Premier ministre en est persuadé, c’est cette affaire d’écoute téléphonique qui lui a en partie coûté son élection en 1995, confiait-il en 2009 à L’Express. Fin 1994, la direction centrale de la police judiciaire fait mettre sur écoute, en urgence, le docteur Jean-Pierre Maréchal, soupçonné de chantage et d’extorsion de fonds au milieu d’une enquête sur un financement occulte du RPR. La procédure, en théorie, devait être validée par les services de Matignon, mais ne le sera que six jours après la mise sur écoute.
Accusé d’organiser des écoutes frauduleuses, le Premier ministre candidat assure avoir respecté le règlement lorsque Le Point rapporte les faits, deux mois plus tard. Très vite, sa popularité s’affaisse. "Cette affaire, qui s'est déroulée à mon insu, m'a porté un grand tort, ma crédibilité morale en a été atteinte". Finalement, Edouard Balladur est relégué à la troisième place le soir du premier tour, derrière Jacques Chirac et Lionel Jospin.
- DSK et l'affaire du Sofitel
Mai 2011. Il n’est pas encore candidat et pourtant déjà archi-favori. Depuis plusieurs mois les intentions de Dominique Strauss-Kahn pour la présidentielle de 2012 ne font guère de doute. Mi-avril, un sondage le donne largement gagnant (46%) devant les autres candidats potentiels de la primaire du PS, dont François Hollande (22%). Mais le 14 mai 2011, un scandale sexuel met un brusque coup d’arrêt à l’ascension du directeur du FMI.
Accusé de viol par une femme de chambre de l’hôtel Sofitel de New York, où il a passé une nuit, Dominique Strauss-Kahn est arrêté in extremis à l’aéroport international JKF et inculpé. Les images de son transfert, menotté, à la prison de Rikers Island font le tour du monde et balayent, du même coup, l’hypothèse d’une candidature. Les charges sont finalement abandonnées au bout de quelques mois, et l’affaire se solde par un accord financier entre les deux partis, DSK aurait versé 1,5 millions de dollars à l’ex-plaignante.
- Nicolas Sarkozy et le financement de la campagne de 2007
Un peu plus d’un mois avant le premier tour de l’élection de 2012, le site Mediapart évoque un possible financement par le régime de Kadhafi de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy, candidat à sa réélection. Un deuxième article, publié cette fois en plein entre-deux-tours, et s’appuyant sur une note des services secrets libyens, parle d’un versement de 50 millions d’euros. Le président sortant dément, dénonçant une "infamie". "Mediapart c’est quoi ? C’est une officine. Au service de qui ? Vous savez très bien, au service de la gauche", accuse sur Canal + le président.
Battu au second tour face à François Hollande, Nicolas Sarkozy opère un retour en politique deux ans plus tard. Fin 2016, en pleine course pour la primaire de son camp, il est cette fois rattrapé par des révélations de l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, qui assure avoir remis trois valises d’argent lybien à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy entre 2006 et 2007. "Quelle indignité !" s’offusque l’ancien chef de l’Etat, interrogé à ce sujet par David Pujadas lors du troisième débat de la primaire. "Vous n'avez pas honte de donner écho à un homme qui a fait de la prison ?", clame-t-il encore.
Présenté comme l’un des grands favoris du scrutin, l'ex-président ne passe pas le cap du premier tour, le 27 novembre 2016, balayé par Alain Juppé et François Fillon. Le Sarthois, qui a largement mis en avant son intégrité pendant la campagne, n’avait pas manqué de railler les différentes inculpations ciblant son adversaire : "Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ?". Désormais visé par une enquête préliminaire du parquet financier, le candidat veut s’en tenir à sa ligne et a promis de renoncer s’il était mis en examen.