Toute médaille a son revers. Jean-Luc Mélenchon, qui bénéficie d’une nette poussée dans les sondages, est en train de le vérifier à ses dépens. Car le candidat de la France insoumise est désormais la cible privilégiée de ses principaux adversaires à l’élection présidentielle. Et tout est bon pour lui tomber sur le râble : sa politique économique, sa politique étrangère, en particulier sur l’Europe, sa politique migratoire… chacun des autres candidats pioche dans l’une ou l’autre pour tenter d’enrayer la dynamique Mélenchon.
- Le "communiste" Mélenchon attaqué sur l’économie
Sans surprise, ce sont d’abord François Fillon et Emmanuel Macron, les deux candidats les plus menacés par la percée de Jean-Luc Mélenchon, qui tapent le plus fort. Et sans surprise non plus, c’est sur la politique économique que ces deux tenants d’une ligne libérale dégainent le plus volontiers. "Le révolutionnaire communiste, il était sénateur socialiste quand j’étais encore au collège ! Que veut-il nous faire croire ?", a lâché Emmanuel Macron en meeting mardi soir à Besançon.
Même son de cloche chez François Fillon, qui jusqu’alors concentrait plus volontiers ses attaques sur Marine Le Pen et, surtout, sur Emmanuel Macron. "Croyez-moi, ça n’est pas avec le programme communiste de M. Mélenchon et le retour au franc de Mme Le Pen que l’économie française va redémarrer", a lancé mardi soir l’ancien Premier ministre, en meeting à Marseille.
Communisme, le terme n’est évidemment pas utilisé par hasard. C’est d’ailleurs le même spectre que brandit Le Figaro mercredi sur sa Une et sur deux pages et demi. Avec notamment un édito du au vitriol du quotidien de droite titré "Maximilien Illitch Mélenchon", en référence et à Robespierre, et à Lénine.
- Le camp Hamon choisit l’international
Benoît Hamon, désormais définitivement distancé dans les sondages, a longtemps épargné Jean-Luc Mélenchon, en vertu d’un pacte de non-agression décidé après l’échec des négociations entre les deux camps. Mais depuis quelques jours, c’est avec l’énergie du désespoir qu’il s’autorise des coups de canif dans le contrat. Pas sur l’économie, les deux candidats étant relativement proches sur le sujet, mais sur la politique étrangère prônée par le candidat de la France insoumise.
Et particulièrement sur la sortie de l’Union européenne. "Il y a de jolies histoires, des contes, des fables. C’est très bien. Mais à un moment, il faut savoir si les leçons on les a faites ou pas", a lancé le candidat PS lundi lors d’une conférence de presse particulièrement offensive. "Le modèle qui se prépare est un modèle où l’on sera plus faible. Mais je n’ai pas envie d’être dans un pays plus faible", a-t-il insisté, visant sans le nommer son adversaire de gauche.
Mercredi, Yannick Jadot est allé encore plus loin. "A Marseille, Jean-Luc Mélenchon a dit qu'il fallait sortir la France de l'Union européenne. Si c'est pour ça, il vaut mieux François Asselineau", a déclaré ironiquement l'ancien candidat d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) sur France 2. "Il dit qu'il faut une Europe de la France à l'Oural. Ce n'est pas un discours de paix, c'est un discours de reddition. Je suis d'accord sur plein de choses avec Jean-Luc Mélenchon, mais quand il nous explique que la démocratie, c'est Cuba, le Venezuela, la Russie... Poutine, c'est celui qui valide les massacres à l'arme chimique en Syrie et le régime absolument totalitaire en Tchétchénie qui est en train de massacrer les homosexuels", a-t-il ajouté.
- Hollande et la "mode Mélenchon"
Même François Hollande a choisi de sortir très officiellement de son silence pour s'en prendre à la "mode Mélenchon", selon une expression rapportée mercredi par Le Monde. "Il y a un péril face aux simplifications, face aux falsifications, qui fait que l’on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte", tacle aussi le chef de l'Etat dans une interview à paraître dans Le Point le 13 avril.
- Les exceptions Royal et… Le Pen
Les commentaires ne sont toutefois pas unanimement négatifs. Ségolène Royal, discrète depuis le début de la campagne, et qui n’a toujours pas dit qui elle soutenait, a ainsi refusé de se joindre à ce tir nourri. Inquiète, la ministre de l’Environnement ? "Non, pourquoi ? Pourquoi une inquiétude ? Non, au contraire, je pense qu'il vaut mieux une personne de ce côté-là que du côté de l'extrême droite", a-t-elle déclaré à la sortie du Conseil des ministres. "Et puis, c'est une authenticité, une passion, je pense, que les Français trouvent dans son message. Et la politique a besoin de passion", a-t-elle ajouté à la sortie du conseil des ministres.
Une autre femme refuse de se joindre au concert des attaques. C’est Marine Le Pen qui, mardi soir lors d’une réunion publique dans l’Aube, n’a pas dit un mot de son adversaire de La France insoumise. La présidente du FN pense probablement que Jean-Luc Mélenchon représenterait pour elle l’adversaire idéal au second tour. Celui contre qui elle a plus de chance de l’emporter. Un récent sondage testant Jean-Luc Mélenchon au second tour - encore un signe - le donne pourtant vainqueur avec 57% des voix contre la présidente du FN. Mais cette dernière préfère pour l'heure l’épargner. Et réserver ses attaques pour après le 23 avril.
- La réponse : "la rage est de retour"
Cette déferlante n'a pas échappé à Jean-Luc Mélenchon. Qui a choisi son blog pour répondre. "Un grand bouleversement s’y produit avec la percée de ma candidature. Beaucoup de nervosité s’est manifestée chez mes concurrents et chez plusieurs de ces commentateurs inamovibles une nouvelle fois pris à revers parce qu’ils n’avaient rien vu venir et parce qu’ils ne comprennent toujours rien à ce qui se passe", écrit-il. "La rage est de retour. De nouveau on annonce avec ma victoire électorale l’arrivée de l’hiver nucléaire, des pluies de grenouilles, les chars de l’Armée Rouge et le débarquement des Vénézuéliens", ironise encore le candidat. "C’est souvent si trivial que je crois pouvoir en attendre l’effet exactement inverse : aucune personne sérieuse ne peut accorder de l’importance à de telles divagations."