On le sait, le Front national nourrit de grands espoirs pour les régionales. Et le premier tour des élections le 6 décembre a conforté le parti de Marine Le Pen puisqu’il est en tête dans six régions. Dimanche, pour le deuxième tour, le FN espère remporter au moins une région malgré le désistement des candidats de gauche. Mais quel est son programme et sa stratégie ?
>> Europe 1 a interrogé Gilles Ivaldi, chercheur en sociologie au CNRS et spécialiste de l’extrême-droite.
Les grands thèmes nationaux. "Le Front national a fait campagne essentiellement sur des grands thèmes nationaux comme l’immigration, le communautarisme, l’islamisme", explique Gilles Ivaldi. Pour le chercheur, "les programmes régionaux du Front national illustrent bien la stratégie globale du FN qui est de rester un parti très radical et anti-système. On le voit bien avec Marine Le Pen, son programme pour le second tour, c’est de 'pourrir la vie du gouvernement', ça reste quand même limité". "En même temps", poursuit-il, "ils essayent de montrer leurs capacités gestionnaires. Il y a toute cette rhétorique sur ‘nous avons réussi dans les municipalités, donc nous pourrons réussir dans les régions et demain au niveau de l’Etat'".
Des mesures irréalisables ? En misant sur un programme national, le risque pour le FN est de sortir des compétences de la région. "Il y a beaucoup de références à l’immigration qui sortent du cadre des régionales", note Gilles Ivaldi. Il cite également "le patriotisme économique régional, une notion dont on se demande si elle légale" ou encore "la création d’une police nationale des transports qui amènerait le FN à négocier avec de nombreux acteurs qui sont aujourd’hui des acteurs du système UMPS qu’il rejette tant".
" Marion Maréchal-Le Pen est plutôt sur une ligne classique, un peu radicale alors que Marine Le Pen pense déjà à 2017, elle sait qu’il faut apparaître plus crédible "
Des disparités selon les régions. Le FN de Marine Le Pen n’est aussi pas celui de Marion Maréchal-Le Pen : "Marion Maréchal-Le Pen est plutôt sur une ligne classique, un peu radicale alors que Marine Le Pen pense déjà à 2017, elle sait qu’il faut apparaître plus crédible", affirme Gilles Ivaldi. Une différence de stratégie qui s’explique aussi par l’électorat visé, plutôt ouvrier et populaire dans le Nord, là où se présente la présidente du Front et conservateur et très à droite en Paca, là où sa nièce est candidate.
En découlent des mesures parfois différentes. "Marine Le Pen incarne cette ligne plus à gauche, on va trouver des mesures comme la défense du pouvoir d’achat ou la lutte contre les travailleurs détachés", note le chercheur. La benjamine de l’Assemblée nationale propose, elle, que les "subventions aux associations sportives soient soumises au bon comportement pour en finir avec la racaille qui pollue le sport amateur" ou encore "l’installation des crèches dans l’ensemble des bâtiments de la Région en période de Noel". Gilles Ivaldi cite ainsi un tract de la candidate frontiste en Paca intitulé "Immigration, communautarisme, islamisme, stop. Avec Marion, une région pour les Français d’abord". "Or, 'les Français d’abord', c’est le grand thème de Jean-Marie Le Pen", souligne le spécialiste.
"Il ne faut pas être dupe". Enfin, Gilles Ivaldi met en garde contre les autres thèmes que l’on pourrait trouver étonnant du FN, comme l’écologie. "Il ne faut pas être dupe, le FN sait très bien qu’un programme régional aujourd’hui doit prévoir des mesures pour l’écologie, l’environnement, le bio ou les transports mais ça n’a jamais été un parti écologiste, il a même été assez climato-sceptique à une époque", explique-t-il. "On sait bien que ce n’est pas là que le FN recrute et et qu’il mobilise son électorat", conclut-il.