Régionales : pourquoi Marine Le Pen hésite-t-elle dans le Nord ?

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DECRYPTAGE - La présidente du FN laisse toujours planer le suspense sur sa candidature dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Car si elle pouvait s'en passer, cela l'arrangerait bien.

Après le violent psychodrame ayant abouti à la suspension de Jean-Marie Le Pen, la (vraie) politique reprend ses droits chez Le Pen. Prochaine étape : les régionales en décembre prochain. Après Marion Maréchal - Le Pen - qui a demandé "un délai de réflexion" avant de se lancer en Paca -, c'est désormais Marine qui hésite à se lancer dans la (future) région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

"J'ai très envie de partir à cette bataille. Je suis attachée aux habitants de cette région. Je suis une battante, et quand on est une battante on a toujours envie de partir à la bataille". Ainsi parlait Marine Le Pen, le 5 mars dernier, à Doullens (Somme). Pourtant, la présidente du FN, en privé, est beaucoup moins affirmative. Quand on l'interroge, elle n'hésite pas, d'elle-même, à lister toutes les raisons qu'elle a de ne pas être candidate.

• Un problème de calendrier

"Je ne déserte aucune bataille. Je suis confrontée à un problème de calendrier, entre l'élection régionale et présidentielle. C'est un choix difficile à prendre", a-t-elle ainsi assuré, le 3 mai dernier, sur Europe 1. Si elle se lance, elle devrait alors dire aux électeurs : "je ne suis là que pour 6 mois". Pas idéal pour celle qui fustige sans cesse l'opportunisme et le carriérisme de la classe politique. Et ça, c'est dans l'hypothèse où elle remporte la bataille face à Xavier Bertrand (UMP) et Pierre de Saintignon (PS). Car si la région pourrait lui servir de tremplin pour la campagne présidentielle, une défaite pourrait aussi plomber sa candidature.

Dans son entourage, joint par Europe 1, c'est l'optimisme qui prévaut dans cette région où le FN a obtenu d'excellents scores lors des élections départementales. "Présidente de la troisième région de France, cela la crédibiliserait encore plus !", s'enflamme Bruno Bilde, son conseiller spécial. "Elle pourrait créer une vraie dynamique, qui tirerait vers le haut toutes nos têtes de liste", poursuit Nicolas Bay, eurodéputé et porte-parole du FN. '"Elle est notre meilleure chance de victoire, bien entendu. Les habitants de cette région attendant sa candidature, car ils y sont très attachés", appuie David Rachline, maire de Fréjus.

• "Ne pas aller dans les bagarres locales"

Interrogé sur l'argument du calendrier invoqué par Marine Le Pen pour expliquer son indécision, l'un des membres de sa garde rapprochée assure que "c'est un faux-problème ! Ségolène Royal et François Hollande l'ont bien fait en 2007 et 2012." Mais alors, il est où le problème ? Marine Le Pen voudrait-elle éviter de donner la possibilité aux médias de chroniquer sa rivalité avec Marion Maréchal - Le Pen, qui pourrait l'emporter en Paca ? "Soyons sérieux ! Les deux femmes ne jouent pas dans la même catégorie !", s'étouffe un proche de la présidente.

Dans le fond, Marine Le Pen n'a pas la moindre envie de se lancer dans la course et préfère s'imaginer en locomotive de la campagne au niveau national. "Je pense qu’il ne faut pas qu’elle aille dans les bagarres locales", estime ainsi Louis Aliot, son compagnon et vice-président du parti. Car son vrai sujet, c'est 2017. La patronne du FN pose la question sans attendre la réponse : "est-ce que le moment n'est pas venu pour moi de chapeauter la préparation de la présidentielle ?" Marine Le Pen veut prendre le temps, travailler ses réseaux, faire des visites à l’étranger. Mais la possibilité de ravir une présidence de région la fait hésiter.

• C'est elle ou rien

Si une candidature alternative à la sienne se dégageait, sa réflexion serait déjà terminée. Mais elle n'existe pas. "Il y a des gens compétents qui travaillent dans cette région : Philippe Eymery dans le Nord, Michel Guiniot en Picardie", a-t-elle fait mine de s'offusquer, sur Europe 1, quand on lui faisait remarquer que c'était un peu elle ou rien. "A partir du moment où Steeve Briois (l'autre ténor de la région, Ndlr) a décidé de ne pas y aller, c'est clair que cela pose problème…", assume un dirigeant. "Elle sait que c'est une région gagnable… mais seulement si c'est elle qui s'y colle. Les deux autres candidats potentiels sont de bons militants, mais n'ont pas le niveau pour ce genre de combat", poursuit un autre proche de Marine Le Pen. Un membre de la direction est plus clair encore : "si on avait quelqu'un de solide à lancer là-bas, elle n'irait pas, c'est une certitude !"

Philippe Eymery, vice-président de groupe FN au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, fait partie des deux pressentis - avec Michel Guiniot - , au cas où la patronne refuserait l'obstacle. "L'impatience ne m'empêche pas de dormir. C'est le bureau politique qui décidera, mais moi je suis partant !", confie-t-il à Europe 1. Comprend-t-il les inquiétudes des cadres du FN le concernant ? "Toute solution a ses avantages et ses inconvénients. Je n'ai pas à être vexé, je ne joue pas dans la même catégorie que Marine Le Pen", reconnait-il.

Entre un calendrier qui ne l'arrange pas, des candidats alternatifs pas au niveau et une région qui lui fait les yeux doux, Marine Le Pen tourne et retourne le problème dans tous les sens. On lui conseillerait presque de lire Kafka : "Il y a un but, mais pas de chemin. Ce que nous nommons chemin est hésitation."