Sens commun : le risque d’un repoussoir pour Fillon ?

© PHILIPPE DESMAZES / AFP
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François Fillon a affirmé dimanche que des membres de l’émanation de la Manif pour tous pourraient être de son gouvernement. Un pari risqué, surtout dans la perspective d’un second tour. 

Des membres de Sens commun au gouvernement ? C’est possible, a assuré dimanche François Fillon. "Sens commun fait partie des hommes et des femmes qui sont fiers de leur pays, attachés à leurs traditions, pour lesquels j’ai beaucoup de respect, c’est des composantes", a affirmé le candidat de la droite à la présidentielle sur Radio J. Une sortie qui n’a pas plus à tout le monde, y compris dans son camp. Mais l’ancien Premier ministre sait ce qu’il doit à cette émanation politique de La Manif pour tous, qui ne l’a jamais lâché même au plus fort du PenelopeGate. Et il sait que le mouvement "matche" avec sa campagne très à droite. Mais en cas de qualification au second tour, le mouvement anti-mariage gay pourrait s’avérer encombrant.

Un soutien indispensable pour le premier tour

Il faut reconnaître à Sens Commun une certaine constance, voire une constance certaine. En septembre, le mouvement anti-mariage gay a décidé, au grand dam de certains de ses adversaires, de soutenir François Fillon. Et depuis, jamais il n’a fait défection, pas même dans la tempête. Ni les affaires, ni les difficultés du candidat, ni les divisions au sein des Républicains n’ont fait dévier les responsables de cette composante des Républicains, qui revendique à elle seule près de 10.000 adhérents. Une force de frappe non négligeable qui a notamment joué à plein au moment du rassemblement du Trocadéro, début mars, dont la réussite a permis à l’ancien Premier ministre de maintenir sa candidature.

François Fillon doit donc une fière chandelle à Sens Commun, ce qui peut expliquer sa déclaration de dimanche. Mais pas seulement. L’ancien Premier ministre a choisi de mener une campagne très à droite, notamment sur les questions sociétales, et le mouvement émanant de La Manif pour tous y a logiquement toute sa place.

D’ailleurs, certains acteurs de la campagne de François Fillon, comme Laurent Wauquiez, sont montés au créneau pour défendre le mouvement en insistant sur le nécessaire rassemblement de la droite.

" Sens Commun prend sa part dans la campagne, et rien que sa part "

"C’est une polémique qui n’a pas lieu d’être", affirme de son côté Hervé Novelli, porte-parole du candidat Fillon, à Europe 1.fr. "Ce qui est très important, c’est qu’il y ait un rassemblement très large autour de François Fillon", insiste l’ancien secrétaire d’Etat au Commerce, un brin embarrassé tout de même. "C’est une polémique qui outrepasse l’influence de Sens Commun dans la campagne. C’est disproportionné. Sens Commun prend sa part dans la campagne, et rien que sa part", affirme-t-il.  

Un possible repoussoir pour le second tour

Cette gêne, palpable, d’un porte-parole de François Fillon, en dit long. Peu de voix, finalement, se sont élevées du côté du candidat pour soutenir sa position. Plus nombreuses ont en fait été les réactions négatives venues de la droite. Arnaud Robinet, député-maire de Reims, a choisi un trait d’humour pour exprimer son désaccord.

D’autres ont été plus directs. Parmi les réactions les plus remarquées figurent celle de Dominique Bussereau, soutien de François Fillon pendant la primaire de la droite, mais qui a ensuite pris ses distances face aux affaires.

"Je suis effaré par le succès de mon tweet", assure à europe1.fr l’ancien secrétaire d’Etat au Commerce de François Fillon, qui relève les plus de 2.000 retweets de son message. Le député de Charente-Maritime ne cache pas ses craintes pour le second tour - si le candidat de la droite est qualifié. "Du point de vue de François Fillon, c’est peut-être bien joué, je ne sais pas. Moi, je pense qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages. Quand on tire trop d’un côté, ça fait fuir de l’autre. Il y a énormément de gens pour lesquels Sens Commun est un répulsif. Pour la droite modérée, européiste, ouverte… Moi, par exemple, j’ai toujours dit que je n’avais rien de commun avec Sens Commun", martèle-t-il.  

Du pain bénit pour ses adversaires

Et évidemment, les adversaires de François Fillon s’engouffrent dans la brèche. "Ca m'inquiète sur le fond, mais je trouve ça cohérent de la part de François Fillon, il est le candidat de cette fraction de la droite", a ainsi réagi Benoît Hamon sur Europe 1. "Il a appelé les troupes de Sens Commun à sa rescousse au Trocadéro, il aura donc des membres de Sens Commun dans son gouvernement, moi je n'en doute pas, ça augure d'une politique familiale avec laquelle je suis en radicale opposition", a insisté le candidat PS.

Mais c’est sans doute Emmanuel Macron qui a le plus à gagner dans cette affaire, en captant les électeurs de la droite modérée repoussés par Sens Commun. Et ça ne lui a évidemment pas échappé.  "C'est un durcissement", a affirmé le candidat d'En Marche! sur BFMTV/RMC. "Beaucoup de nos concitoyens qui sont de centre droit ou de droite ne peuvent pas se retrouver dans ce projet politique parce que c'est un vrai conservatisme social et sociétal. François Fillon, dans sa campagne, a décidé (...) de réveiller une part de la droite qui ne se sent plus totalement à l'aise dans la poursuite de l'intérêt général républicain (...) Il a décidé d'attaquer le coeur de la démocratie et ça, c'est dangereux", a-t-il ajouté.

Sylvain Maillard, porte-parole d’Emmanuel Macron et ancien de l’UDI, n’a pas lui non plus manqué l’occasion d’appeler ses anciens camarades à rejoindre son favori.