C'est un changement de pied notable. En envoyant mardi une lettre aux syndicats de la SNCF pour leur proposer des rencontres bilatérales à Matignon le 7 mai prochain, Édouard Philippe inaugure un nouveau chapitre dans la résolution du conflit autour de la réforme ferroviaire. De fait, encore vendredi dernier, il n'était pas question que les mécontents, qui venaient de claquer la porte des négociations avec la ministre des Transports, Élisabeth Borne, aient un autre interlocuteur. "Ce ne sont pas les partenaires sociaux qui choisissent la personne avec qui ils négocient", avait asséné Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement.
La parole de vendredi n'est donc plus celle de mardi. Mais derrière cette reprise en main de Matignon s'affichent divers objectifs : s'emparer de sujets qui dépassent le portefeuille des transports, et surtout gagner du temps et trouver une porte de sortie.
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Élargir les discussions
À Matignon, le discours officiel est clair. Il ne s'agit pas pour le Premier ministre de reprendre un dossier à sa ministre, mais bien de procéder à une seconde phase de négociations complémentaires. Si Élisabeth Borne était bien la première interlocutrice des syndicats sur les principaux points de la réforme ferroviaire, un sujet comme la reprise de la dette de la SNCF par l'État ne peut relever que de Matignon.
Gagner du temps…
Au-delà de cette explication officielle, l'annonce d'Édouard Philippe tombe à point nommé pour permettre au gouvernement de gagner du temps. Mardi soir en effet, les syndicats de la SNCF avaient prévu de se réunir pour prévoir la suite du mouvement de grève. Était même envisagée, alors, une poursuite des débrayages pendant la période estivale. En proposant des rencontres bilatérales avec le Premier ministre, Matignon s'achète un peu de répit, l'intersyndicale attendant de voir comment se déroulent ces discussions.
"La mobilisation continue de manière unitaire jusqu'au 7 [mai], c'est évident. Et le 7, on attend un point de rupture au niveau de Matignon qui pourrait nous amener à engager de réelles négociations", a résumé Roger Dillenseger de l'Unsa, mardi après-midi.
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À plus long terme, l'objectif du gouvernement reste de mettre un terme à la grève commencée début avril. Or, le dialogue était devenu très difficile entre Élisabeth Borne et les syndicats. Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, avait même estimé la semaine dernière en quittant la table que ces "bilatérales ne servaient à rien" puisque "c'était clairement Édouard Philippe" qui prenait les décisions, et non la ministre. En faisant un pas vers elles, le Premier ministre espère donc trouver face à lui des organisations syndicales plus réceptives. Celles-ci ont d'ailleurs salué sa décision. "Il prend le dossier en main, c'est un élément positif pour nous, à mettre au crédit du rapport de force", a déclaré Laurent Brun au nom de l'intersyndicale mardi. Et gare au "coup de com'", a prévenu Erik Meyer, représentant SUD Rail.
Si les syndicats revendiquent une première victoire, le gouvernement, lui, espère bien que ce délai tourne à son avantage. Le 7 mai n'a évidemment pas été choisi au hasard. Au premier anniversaire de l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée, l'exécutif aura pu apprécier les mobilisations du 1er mai, mais aussi celle du 5 mai à l'appel du député France Insoumise François Ruffin. Le pari, c'est que dans les deux cas, les anti-Macron auront du mal à fédérer. Et que les organisations syndicales se présenteront donc moins en verve à la table des nouvelles négociations.