"Quand on annonce que les médecins sont des 'délinquants', c'est quand même particulièrement impoli, incorrect", dénonce un professionnel de santé interrogé par Europe 1. Celui-ci fait partie des 5.000 médecins généralistes considérés comme de gros prescripteurs d'arrêts de travail par l'Assurance maladie. Pour faire la chasse aux arrêts de courtoisie, elle a contacté tous ces médecins par courrier pour leur demander des comptes. Car le phénomène est soupçonné de prendre de l'ampleur, alors que le nombre d'arrêts maladie délivrés a augmenté 30% ces dix dernières années. Désormais, 9 millions d'arrêts sont autorisés chaque année, pour un coût total de 14 milliards d'euros.
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"On ne dort plus, on a mal au ventre"
Une démarche que n'apprécie pas ce praticien joint par Europe 1, et qui a préféré rester anonyme. "Quand j'ai eu la lettre disant que je faisais partie de ces 'délinquants', ça m'a rendu très, très mal. On ne dort plus, on a mal au ventre", témoigne le médecin, qui évoque le contenu du courrier. D'après ses dires, l'Assurance maladie lui demande de ne pas produire plus de 1.100 indemnités journalières sur six mois. "C'est inatteignable comme objectif", fustige-t-il.
"Je soigne des patients, pas des chiffres", enchérit le médecin. Qui assure : "Je n'ai jamais fait des arrêts de travail du lundi matin, dits de complaisance, et d'autres choses comme ça. Il est sûr et certain que si j'avais une quelconque envie de faire le fameux cumul emploi-retraite après décembre 2025, il n'en est plus question du tout."
Le risque d'une mise sous accord préalable
Au-delà de ce témoignage, Europe 1 a pu s'entretenir avec d'autres professionnels de santé soupçonnés de délivrer trop d'arrêts de travail, qui exercent en région parisienne, en Bourgogne ou encore dans le sud-ouest. Tous décrivent les spécificités de leur patientèle, avec des profils précaires, des ouvriers, des préparateurs de commandes en entrepôt ou encore des vignerons. En bref, des patients aux professions physiquement exigeantes.
Par courrier donc, l'Assurance maladie leur demande de baisser le nombre d'arrêts de travail qu'ils délivreront à partir du mois de septembre, et ce pendant six mois. L'objectif est chiffré, de -10% à même -20% pour l'un d'entre eux. Ce dernier ne devrait donc plus signer un arrêt sur cinq.
Les praticiens contactés par Europe 1 ont choisi de refuser ces objectifs. Ils s'exposent donc désormais à une mise sous accord préalable. Dans ce cas, chaque arrêt qu'il prescrira devra être validé après avis par l'Assurance maladie.