Pour la première fois, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a été confronté vendredi devant une juge d'instruction à la femme qui l'accuse de viol depuis 2017, Sophie Patterson-Spatz, au tribunal judiciaire de Paris. Le ministre, placé à la mi-décembre sous le statut de témoin assisté dans ce dossier, est accusé de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance. La confrontation avec son accusatrice, Sophie Patterson-Spatz, a duré environ neuf heures.
Dans un communiqué transmis à l'AFP peu avant 23h30, les avocats du ministre, Me Pierre-Olivier Sur et Me Mathias Chichportich, se sont réjouis qu'"à la fin de cette confrontation, Gérald Darmanin reste sous le statut de témoin assisté", ce qui constitue selon eux la "preuve qu'aucun indice grave ou concordant d'une quelconque infraction ne lui est reproché". Sollicitées par l'AFP, les conseils de Sophie Patterson-Spatz n'ont de leur côté pas répondu.
Des faits remontant à 2009
L'enquête sur ces faits datant de 2009 a été reprise cet été par une juge d'instruction, à la suite d'une longue bataille procédurale. La magistrate a placé Gérald Darmanin le 14 décembre sous le statut de témoin assisté, un statut pouvant évoluer au cours de la procédure vers une mise en examen si la magistrate réunit des "indices graves ou concordants". En mars 2009, la plaignante s'était adressée à l'élu, alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l'UMP (ancêtre de LR), pour tenter de faire réviser une condamnation de 2004 pour chantage et appels malveillants à l'égard d'un ex-compagnon.
Selon elle, Gérald Darmanin lui aurait fait miroiter son appui auprès de la Chancellerie via une lettre, en échange de faveurs sexuelles qu'elle aurait acceptées, se sentant contrainte de "passer à la casserole", selon son expression devant les enquêteurs. Elle dépose plainte une première fois en juin 2017, classée sans suite par le parquet de Paris car la plaignante ne répond pas aux convocations des enquêteurs.
Enquête classée puis rouverte
En janvier 2018, une enquête est ouverte suite à une nouvelle plainte de Sophie Patterson-Spatz. Celle-ci est entendue trois jours plus tard. Gérald Darmanin est lui convoqué en audition libre, et confirme avoir eu une relation sexuelle avec Sophie Patterson-Spatz, mais selon lui librement consentie et à l'initiative de la plaignante : "Il n'y a eu aucune contrepartie". L'enquête est classée moins d'un mois plus tard pour "absence d'infraction".
En mars 2018, la plaignante dépose plainte avec constitution de partie civile, et élargit ses accusations : abus de confiance, extorsion de consentement sexuel, escroquerie au consentement sexuel, viol, harcèlement sexuel. Une juge d'instruction refuse en août suivant de reprendre les investigations, estimant l'enquête préliminaire suffisante pour écarter les accusations.
Après de longs démêlés procéduraux, la cour d'appel de Paris a ordonné en juin 2020 la reprise des investigations sur cette accusation de viol, estimant que la magistrate instructrice "ne pouvait se fonder uniquement sur les résultats de l'enquête préliminaire" pour rendre un non-lieu avant toute nouvelle investigation. Depuis cet été, une nouvelle magistrate s'occupe du dossier.
Avant la confrontation, plusieurs sources proches du dossier ont indiqué à l'AFP que la juge ne semblait pas convaincue que les faits puissent être pénalement qualifiés de "viol". Ce qui n'empêchait pas un proche de Gérald Darmanin de s'inquiéter récemment d'accusations qui pourraient durer, à cause de la longueur de la procédure et d'éventuels recours de part et d'autre, susceptibles de "plomber" sa carrière politique.