L'agression survenue mardi à la prison de Condé-sur-Sarthe aurait-elle pu être évitée ? La question est posée par plusieurs responsables politiques et syndicats de personnel pénitentiaire, mercredi, jour de de blocage de plusieurs établissements en signe de protestation. En creux, la question des fouilles des visiteurs avant leur accès aux parloirs ou, en l'espèce, aux unités de vie familiale : dans l'Orne, le couteau utilisé par le détenu radicalisé pour poignarder deux surveillants "aurait pu lui être apporté par sa femme", selon la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
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Quelles sont les règles en matière de sécurité des fouilles de visiteurs ?
"Il ne me semble pas pensable que l'on puisse entrer en détention avec des objets qui ne puissent pas être détectés", a expliqué Nicole Belloubet après l'agression, demandant une "inspection" pour "faire la lumière" sur les faits. Mais que dit la loi ? Concernant les détenus, l'article 57 de la loi pénitentiaire dispose que les fouilles doivent être "justifiées par la présomption d'une infraction" ou par un "comportement" faisant craindre un risque. Les fouilles intégrales ne sont possibles "que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électroniques sont insuffisants".
De l'autre côté du parloir, pour les proches des détenus, les textes sont plus précis. Résumés dans une circulaire du ministère de la Justice datée de 2012, ils prévoient que "tous les visiteurs doivent se soumettre au contrôle du portique de détection et du tunnel d'inspection à rayon X, sauf contre-indication médicale attestée par un certificat." En cas de "déclenchements répétés" de l'alarme du portique, un contrôle "par détecteur manuel" est prévu. "En cas d'impossibilité d'utiliser ces moyens traditionnels", d'inefficacité de ces moyens ou "de risque particulier pour la sécurité", "il peut être procédé à une palpation de sécurité, après avoir recueilli le consentement de la personne concernée". S'il ne s'y soumet pas, le visiteur se voit refuser l'accès au parloir.
Que s'est-il passé à Condé-sur-Sarthe ?
La compagne du détenu a accédé à l'unité de vie familiale vêtue d'une djellaba et affirmé être enceinte. Elle est soupçonnée de lui avoir fourni un couteau en céramique, échappant ainsi au détecteur de métaux. "On a un problème de sécurité pour les visiteurs", a ainsi commenté auprès de franceinfo le député PS de l'Orne Joaquim Puyeo, ancien directeur des prisons de Fresnes et de Fleury-Mérogis. "La faïence n'est pas détectable par les portiques", a souligné l'élu. "Le détenu est fouillé, et peut être fouillé à corps lorsque c'est nécessaire. Les bagages sont fouillés également, là on peut détecter tout ce qu'il y a dedans. Mais certaines matières ne sont pas détectables par des portiques classiques, en dehors du métal ou des armes."
Des alternatives existent-elles ?
Un rapport d'information de l'Assemblée nationale sur le régime des fouilles en détention, daté du mois d'octobre 2018, proposait de développer l'équipement des établissements en portiques à ondes millimétriques, qui permettent de voir à travers les vêtements. Selon ce document, onze de ces portiques coûteux - 162.000 euros pièce - sont déployés sur le territoire, dont un à Condé-sur-Sarthe. Le rapport ne précise pas si ces équipements sont destinés au contrôle des détenus ou des visiteurs. Il souligne en revanche l'existence de contrôles "cynotechniques", effectués aléatoirement par des policiers, habilités à procéder, si nécessaire, à des fouilles à nu de visiteurs. Mais selon un communiqué du Syndicat national pénitentiaire (SNP)-FO, publié en novembre dernier, seules trois équipes sont chargées de ces contrôles sur l'ensemble du territoire français.