Durcir les sanctions contre les violences sans entraver la liberté de manifester : les députés s'engagent mardi dans un numéro d'équilibriste sur le texte "anticasseurs", avec une majorité pas toujours à l'aise, entre une gauche qui le juge "liberticide" et une droite restant sur sa faim.
Une loi pour permettre de "manifester dans des conditions normales". Issue de la droite, cette proposition de loi, soumise à plus de 200 amendements dans l'hémicycle d'ici mercredi, "n'est pas une loi antigilets jaunes" ou "antimanifestations", assure le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. Annoncée le 7 janvier par Edouard Philippe, ce texte "doit permettre à ceux qui le souhaitent de manifester dans des conditions normales, sans peur et sans penser qu'en manifestant ils sèmeraient la peur", a expliqué le locataire de la Place Beauvau lors de son audition en commission. Réclamée par des syndicats policiers, elle est aussi critiquée sur certains aspects par des magistrats et des associations.
"Quête délicate de l'équilibre". Pour éviter "de perdre du temps", le gouvernement a utilisé un texte tout prêt, celui du sénateur LR Bruno Retailleau, voté au Palais du Luxembourg en octobre en réponse au phénomène des "black blocs". Face aux inquiétudes suscitées jusque dans les rangs de la majorité LREM-MoDem, il a subi plusieurs modifications en commission. Les députés tenteront surtout d'ici à mercredi d'améliorer le texte dans un souci de "quête délicate de l'équilibre", comme l'a souligné la rapporteure Alice Thourot (LREM).
Quel fichier pour les interdits de manifester ? Devant des députés réfractaires à la création d'un fichier national des personnes interdites de manifestations, l'élue de la Drôme avait obtenu un compromis, avec l'inscription au fichier des personnes recherchées (FPR). Mais les interrogations sur la nécessité d'une centralisation de ces données sensibles demeurent. Le groupe MoDem, avec l'ex-magistrate Laurence Vichnievsky en tête, a déposé plusieurs amendements afin de mieux encadrer ces interdictions administratives de manifester.
Plus de périmètre de sécurité. L'article 1 dédié aux périmètres de sécurité pendant les manifestations, où palpations et fouilles seraient autorisés, a lui été supprimé en commission et doit faire l'objet de nouvelles discussions en séance avec le gouvernement. Un amendement du groupe LREM propose que le préfet puisse interdire "pendant les deux heures qui précèdent la manifestation et jusqu'à sa dispersion, le port et le transport sans motif légitime d'objets pouvant constituer une arme". Les Républicains, eux, veulent rétablir l'article dans sa version du Sénat, plus restrictive. "En supprimant les périmètres de sécurité", la majorité "vide le projet de sa substance", avait jugé Eric Ciotti (LR) sur Twitter. Son groupe compte aussi proposer notamment des peines planchers pour les violences contre les forces de l'ordre.