L’hommage rendu à Samuel Paty et Dominique Bernard, ce lundi, a été relativement peu perturbé par rapport aux années précédentes. À ce jour, une centaine d’incidents ont été recensés, soit deux fois moins que l’an dernier à la même époque.
Plus généralement, les atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires baissent. En septembre, 119 incidents ont ainsi été signalés, soit dix fois moins qu'en septembre 2023, qui marquait alors l’entrée en vigueur de l’interdiction de l’abaya.
La moitié des chefs d'établissements ne signalent pas les atteintes à la laïcité
Sur le terrain, cependant, la réalité est souvent plus complexe. Une enquête du SNPDEN-UNSA, le principal syndicat des personnels de direction, avait révélé en 2023 que toutes les atteintes à la laïcité n’étaient pas signalées.
"Près de 50 % des chefs d’établissements interrogés en 2023 ne faisaient pas remonter les incidents", indique Didier Georges, proviseur d’un lycée polyvalent à Paris et secrétaire national du SNPDEN-UNSA. "La raison principale de ce manque de remontées correspond au fait que 80 à 90 % des situations étaient réglées par un simple dialogue. Mais aussi, dans une moindre mesure, à cause d'un sentiment de peur… 5 à 10 % des collègues exprimaient quand même une crainte, tenant des propos tels que : 'Je ne veux pas être le prochain Samuel Paty'", poursuit-il.
"Sur les atteintes à la laïcité, j’ai peur de mal faire ou mal dire certaines choses…"
Certains professeurs, aussi, n’osent pas signaler des atteintes à la laïcité, de peur d’essayer des reproches, de la part de collègues, de supérieurs ou de parents d’élèves décrit Deborah Caquet professeur histoire-géographie dans un lycée en Essonne et présidente de l’association des Clionautes, regroupant des professeurs d’histoire et de géographie.
"J'ai eu le cas de figure d'une élève qui, dans une sortie scolaire, portait le voile. Et ce que j'en retiens, c'est vraiment l’angoisse que j'ai ressentie toute la journée, en me disant que j'aurais ensuite peut-être des accusations très graves portées contre moi, qu’on allait m’expliquer que j'avais mal fait ou mal dit certaines choses", se souvient-elle. "Et c'est insupportable", confie cette professeure.
Un hommage pas organisé partout
Pour éviter des incidents, lundi dernier, l’hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard n’a pas été organisé partout. C’est par exemple le cas d’un lycée de Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. "Ça n'a pas été fait ou ça n'a pas été fait correctement", reprend Déborah Caquet. "C'est-à-dire que c'est une minute de silence préparée de façon tardive, qu'on a essayé de caler dans la journée en essayant de ne pas déranger l’organisation des cours, des collègues se sont plaint de ne pas avoir le temps de faire leur contrôle… C'est vraiment comme ça qu’on nous l’a présenté", déplore-t-elle.
"Comme si c'était une corvée que l'on doit exécuter ! Et c'est peu dire que la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard mérite beaucoup plus", regrette l’enseignante. "Donc je comprends très bien qu’avec un hommage aussi minimaliste, on n’ait aucun chiffre."