L'ancien directeur de Spanghero, jugé à Paris après le scandale de la viande chevaline vendue pour du bœuf, s'est défendu mercredi d'avoir sciemment commercialisé du cheval, invoquant seulement des "négligences" au niveau de l'étiquetage. Jugé avec trois autres prévenus pour tromperie et escroqueries en bande organisée, Jacques Poujol, 47 ans, était directeur général de fait de cette entreprise de transformation de viandes quand le scandale alimentaire a éclaté en Europe, début 2013.
Jacques Poujol, l'ex-directeur de l'usine implantée en Occitanie et deux intermédiaires néerlandais sont soupçonnés d'avoir vendu entre 2012 et début 2013 plus de 500 tonnes de cheval présenté comme du bœuf à la société Tavola, qui fabriquait des plats préparés pour des marques comme Picard et Findus. Jacques Poujol et le "trader" néerlandais Johannes Fasen se renvoient la balle : Johannes Fasen affirme que Jacques Poujol lui avait commandé du cheval, quand celui-ci répète avoir été trompé par Draap trading, la société du Néerlandais. Soumis aux questions plutôt techniques du tribunal correctionnel, Jacques Poujol, barbe et large carrure, s'est employé à répéter qu'il ne savait pas que du cheval transitait par son entreprise.
"Visuellement, il ne se passe rien". L'apparence de la viande n'a pas pu l'alerter, affirme-t-il : "On achetait, on revendait. Le produit arrivait congelé à -20°C avec du givre; visuellement, il se passe rien". Et le prix d'achat ? L'accusation estime qu'il ne pouvait correspondre à du bœuf. Jacques Poujol, "dans la viande" depuis 25 ans après avoir "appris le métier avec son papa à la boucherie", répond qu'il commandait pour Tavola "du bœuf dépourvu de toute exigence bactériologique, qui n'avait pas d'exigence 100% muscle". Moins cher que du bœuf pour steaks hachés donc. Cette activité d'intermédiaire entre Draap et Tavola était gérée uniquement par Jacques Poujol et les transactions, orales. La marchandise venait principalement de Belgique ou de Roumanie. En l'absence de contrat signé, "ne faut-il pas être encore plus prudent quand on reçoit la viande ?" interroge la présidente. Cette activité "représentait 4% du chiffre d'affaires" de Spanghero, "environ deux livraisons par mois", répond le prévenu : "Il n'y avait aucune attention particulière" à lui donner. Ce négoce avait pourtant "une importance considérable", réplique la magistrate, "car c'est par cette activité" que Spanghero, en difficulté, "a été remontée financièrement".
Spanghero remplaçait les étiquettes. Spanghero a elle-même utilisé la viande du Néerlandais pour faire des merguez. Mais celles-ci étaient fabriquées à base de viande congelée broyée, pas davantage reconnaissable, explique Jacques Poujol. Des bouchers avaient dit avoir repéré du cheval dans l'entreprise ? Il n'était pas "au courant". Le code douanier du cheval figurait sur les factures de Draap ? "J'ai jamais travaillé avec ces codes que je ne connaissais pas". Quant à la dénomination, Draap livrait de la viande étiquetée BF pour "boneless fore", "avant désossé", selon le Néerlandais. Mais pour Jacques Poujol, "BF veut dire bœuf". Restent les "erreurs" reconnues par le prévenu. Spanghero remplaçait les étiquettes de Draap par des fiches ne mentionnant qu'une origine "UE" et l'estampille de son entrepôt frigorifique. L'origine de la viande ou le lieu d'abattage étaient gommées. Jacques Poujol "reconnait la négligence". "Une erreur sur le pays d'abattage, une erreur sur le pays d'élevage... ça en fait beaucoup", remarque la présidente. Finalement, quand la magistrate lui demande si "tout ça n'avait pas pour but de faire croire à Tavola que la viande était transformée au sein de Spanghero", il acquiesce. Le procès reprendra lundi matin.