Publicité
Publicité

#BalanceTonTaudis : des Marseillais traquent le logement indigne et publient des photos sur les réseaux sociaux

Europe 1 avec AFP - Mis à jour le . 3 min
© MIGUEL MEDINA / AFP

Dans les rues de Marseille, une poignée de riverains décident de s'unir derrière le hashtag #BalanceTonTaudis. Ils publient sur les réseaux sociaux les logements insalubres dans la cité phocéenne.

David Coquille sillonne Marseille à vélo. Et puis, méticuleusement, il poste des photos sur X avec le hashtag #BalanceTonTaudis : ici une chambre de 9m2 aux murs noircis d'humidité, là un escalier qui menace de s'effondrer. "Une fois, mon pied est passé à travers une marche. On pousse des portes, derrière ces façades des fois tu découvres des escaliers soutenus par des étais, des immeubles qui auraient déjà dû être mis en péril. J'ai fini un jour par rapporter des punaises de lit chez moi", raconte ce journaliste de La Marseillaise, quotidien historique de la deuxième ville de France fondé en 1943 par le Parti communiste.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

"Il fait un travail formidable qui consiste à aller voir tous les arrêtés de péril, les mettre sur une carte avec la date, toutes ces informations… C'est une base de données extraordinaire", commente Thierry Durousseau, architecte et auteur. Pour le journaliste, comme pour beaucoup d'autres Marseillais, le procès qui se tient en ce moment autour des effondrements d'immeubles de la rue d'Aubagne , qui avaient fait huit morts en 2018, est "un procès pour l'Histoire" comme l'a titré La Marseillaise.

"Un jour, une dame me contacte. Elle avait loué un Airbnb avec son petit-fils près de l'Opéra. Puces de lit, escalier avec des étais partout", se souvient celui qui est connu comme @DavidLaMars sur X. "Je lui demande l'adresse. Je regarde dans nos listes et je lui dis : 'mais Madame, il est en arrêté de péril grave et imminent cet immeuble, c'est-à-dire interdit d'occupation".

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

L'affaire finira devant la justice. Quelque 2.300 voyageurs étaient passés dans ce bâtiment dangereux. Le propriétaire, un maçon d'une soixantaine d'années, a été condamné en 2021 à un an de prison avec sursis et une interdiction d'acheter un bien en vue de le louer pendant 5 ans. "On a été aidés par des gens à l’intérieur du système, des gens au sein d'organismes publics et qui viennent te dire: 'vous avez vu ce nom là ?' pour faire des recoupements", explique David Coquille.

Travail de "salubrité publique"

Derrière ces dénonciations s'active aussi un réseau d'habitants devenus militants, par la force des choses, face à des décennies d'inaction politique, dans une ville rongée par quelque 40.000 taudis. Nordine Abouakil, un des fondateurs de l'association Un centre-ville pour tous, fait partie des figures historiques de cette lutte. 

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

 

Il fut "peiné" mais "pas surpris" par le drame rue d'Aubagne. Alors, peu de temps après, il débarque dans des rédactions avec un cabas rempli de documents récupérés au fil des ans au service des hypothèques et une mission : établir ce qui appartient à la mairie, alors dirigée par le LR Jean-Claude Gaudin, ou à ses satellites.

La suite après cette publicité

Car rue d'Aubagne, sur les deux immeubles mitoyens qui se sont effondrés simultanément, l'un était une copropriété privée mais l'autre, inhabité et laissé à l'état de ruine, appartenait au bailleur social de la ville, Marseille Habitat, sur le banc des prévenus aujourd'hui.

"La mairie avait totalement perdu de vue son patrimoine"

"On laisse le bâti en déshérence parce qu'on ne veut pas qu'il soit réoccupé par la même population pauvre", "la seule peur, c'est les squatteurs", soupire Nordine Abouakil. Une sorte de consortium, inédit dans la presse locale, se crée alors, piloté par La Marseillaise, le site d'investigations locales Marsactu, Mediapart et Le Ravi, un journal satirique local depuis disparu. Objectif : éplucher près de 5.500 transactions, 

Ils sortent une enquête fin 2019, baptisée "La grande vacance", qui identifie quelque 70 immeubles laissés à l'abandon. "La mairie avait totalement perdu de vue son patrimoine", explique Benoît Gilles, corédacteur en chef de Marsactu. Lui avait dénoncé dès 2016 l'état de délabrement du 63 rue d'Aubagne et Libération lui avait consacré un portrait, louant un travail de "salubrité publique".

Six ans plus tard, après plus de 600 articles sur le logement indigne, "on est en train de faire le bilan" de la nouvelle municipalité de gauche qui en a fait une priorité, explique-t-il. Mais une forme de lassitude pointe face à ce combat sans fin. "Nous, militants, on n'est pas tenus de tout faire. On apporte notre pierre à l'édifice, et elle a été substantielle. Mais le reste, c'est aux politiques de s'en saisir. Et à la justice de condamner", estime Nordine Abouakil.