Plus un euro pour de nouveaux projets pétro-gaziers : BNP Paribas a été mis en demeure mercredi de cesser son soutien à l'expansion des énergies fossiles par trois ONG qui menacent le géant bancaire d'une action judiciaire, inédite contre un acteur de la finance. Oxfam, Les Amis de la Terre et Notre Affaire à Tous accusent BNP Paribas d'"avoir le doigt posé sur le détonateur de ces bombes climatiques" que sont les futurs forages pétro-gaziers dans le monde. En cause? Le statut du groupe bancaire français de "1er financeur européen et 5e mondial" pour le "développement" des énergies fossiles, avec "55 milliards de dollars de financements accordés entre 2016 et 2021" uniquement à de nouveaux projets pétroliers et gaziers.
Ce faisant, la banque ne respecte pas son "devoir de vigilance" sur les risques environnementaux, estiment les associations qui envisagent de poursuivre en justice pour la première fois un acteur financier sur ce fondement. Depuis 2017, la loi française sur le "devoir de vigilance" impose aux grandes entreprises de prendre des mesures effectives pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l'environnement sur toute leur chaîne d'activité. Les entreprises mises en demeure disposent de trois mois pour se mettre en conformité et dialoguer avec les ONG, avant une éventuelle assignation devant le tribunal judiciaire de Paris.
Sortir du charbon grâce à d'autres hydrocarbures
Pour les associations, le soutien de BNP Paribas à "l'expansion" et non à la réduction du recours aux hydrocarbures est en contradiction avec les objectifs de l'accord de Paris de 2015, pour tenter de limiter le réchauffement de la planète nettement sous 2°C et si possible sous 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) s'est prononcée en 2021 pour l'arrêt immédiat de tout investissement nouveau dans les énergies fossiles.
Mais de nombreux pays en développement comptent sur les hydrocarbures à moyen terme pour sortir de leur dépendance au charbon, deux fois plus émetteur de gaz à effet de serre. Et ils s'en remettent aux grandes majors pour y parvenir, une ambition irréalisable sans les capitaux apportés par le monde de la finance.
En France, les acteurs de la "finance verte" sont justement attendus jeudi à Paris pour leur sommet annuel, le Climate Finance Day, interrompu l'an dernier par Les Amis de la Terre qui dénoncent un rendez-vous du "greenwashing".
Neutre en carbone
En mai 2022, BNP Paribas s'est engagé à réduire son exposition de crédit sur la production de pétrole et de gaz de 12% à horizon 2025, comparée à 2020. La banque s'est aussi engagée à ne plus financer les entreprises dont plus de 10% de l'activité est liée aux sables bitumineux ou au pétrole et gaz de schiste. En revanche, elle ne dispose d'aucune politique d'exclusion concernant les nouveaux projets d'hydrocarbures conventionnels. "Le niveau des objectifs fixés à l'horizon de 3 ans (soit à 2025) sont (...) compatibles avec la perspective de financer une économie neutre en carbone à horizon 2050", a déclaré mercredi BNP Paribas à l'AFP.
"La banque s'est notamment fixé l'objectif de financer les énergies renouvelables à hauteur de 30 milliards d'euros d'ici 2025", une multiplication par 4 par rapport à 2015, fait encore valoir le groupe. Il rappelle que, fin 2021, "l'extraction et la production de pétrole et de gaz ainsi que le raffinage ne représentaient plus que 1,3%" des crédits accordés par la banque. Outre les crédits, BNP Paribas soutient aussi les énergies fossiles à travers des émissions parfois massives d'actions ou d'obligations, soulignent les ONG.
Rénovation thermique
Dans leur mise en demeure, les ONG exigent un bilan carbone exhaustif de la banque, incluant les émissions induites par ses financements, soit la majorité de l'empreinte du groupe, "supérieure au territoire français", estiment-elles. Les ONG demandent enfin à BNP Paribas de "réduire ses émissions de CO2 de 45% d'ici 2030 par rapport au niveau 2010" et de "réduire ses émissions de méthane d'au moins 30% d'ici 2030 par rapport au niveau 2020". Cette campagne s'inscrit dans la lignée d'autres actions fondées sur le "devoir de vigilance". La première, initiée en 2019 et toujours en cours à Paris, vise le méga-projet pétrolier Tilenga et EACOP de TotalEnergies en Afrique.
Dans le monde, des dizaines d'actions judiciaires ont été lancées contre les États ou les entreprises pour inaction climatique. En 2021, pour la première fois, un tribunal néerlandais a condamné le géant pétrolier Shell à accélérer la réduction de ses émissions carbone, à la demande d'ONG dont Greenpeace et Les Amis de la Terre. Shell a fait appel.