Trois mois après leur mise en place, les "groupes de besoins" instaurés au collège sont fragilisés par une décision du Conseil d'État, qui impose un décret du Premier ministre pour leur maintien à la rentrée 2025.
Au printemps dernier, des recours avaient été déposés devant la plus haute juridiction administrative par trois syndicats, le Sgen-CFDT et l'Unsa éducation et le Snes-FSU, la fédération de parents d'élèves FCPE ou encore par les parlementaires écologistes, dont la sénatrice de Gironde Monique de Marco. Ils demandaient "la suspension" de l'arrêté du 15 mars 2024, instituant des groupes initialement baptisés par la communication gouvernementale, groupes de niveau, en mathématiques et en français, et de la note de service l'accompagnant.
Ces "groupes de besoins", voulus par l'ex-ministre de l'Education, Gabriel Attal, ont été mis en place à la rentrée de septembre 2024, dans le cadre de la réforme du "choc des savoirs". L'objectif du ministère est de les maintenir en 6e et 5e et de les étendre très partiellement l'an prochain en 4e et 3e, avec une heure par semaine, soit en maths, soit en français. Mais dans sa décision rendue jeudi, le Conseil d'Etat a jugé que la poursuite à la rentrée 2025 de ces "groupes de besoins" au collège "nécessitera un décret du Premier ministre".
Le Conseil d'État met en cause la forme juridique de la réforme
Bien qu'il ne se prononce pas sur le fond de la réforme, le Conseil d'État a jugé que l'arrêté du ministère de l'Éducation n'était pas suffisant, nécessitant un décret pour que les "groupes de besoins" se poursuivent au-delà de 2025. Dans la foulée, le ministère de l'Education a annoncé dans un communiqué qu'il soumettra, en décembre, un décret qui "sécurisera" la mesure des "groupes de besoins".
"Il ne s'agit en aucun cas d'une remise en cause du fond de la mesure", se défend-on rue de Grenelle, assurant "veiller à ce que la mise en oeuvre des groupes de besoins au collège se poursuive à la rentrée 2025 dans un cadre juridiquement incontestable".
Le ministère de l'Education assurait par ailleurs la semaine dernière que le Premier ministre, dont le gouvernement est menacé d'une censure à l'Assemblée, "défend les groupes de besoins, comme la ministre" Anne Genetet.
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Tensions politiques et juridiques
Mais la fragilité juridique de cette réforme, dévoilée à l'occasion de cette audience devant le Conseil d'Etat interroge, alors que l'Education nationale était à l'époque pilotée par des fins connaisseurs du droit. Elle relance les spéculations sur la sourde opposition entre l'ex-ministre Nicole Belloubet et l'ex-Premier ministre Gabriel Attal sur une mesure très décriée dans le monde éducatif. Afin "de ne pas bouleverser l'organisation des collèges en cours d'année scolaire", le Conseil d'Etat a précisé que sa décision ne prendrait effet "qu'à la rentrée prochaine".
Ainsi, "la mise en oeuvre des groupes de besoins dans les collèges reste en vigueur pour l'année scolaire 2024-2025", précise-t-il. "Le choc des savoirs est invalidé par la communauté éducative et par les juristes, il serait bon d'arrêter les frais!", a réagi auprès de l'AFP Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat du second degré.
"Comme l'annulation du décret prend effet en fin d'année, on va peut-être faire une préparation de rentrée dans quelques semaines avec un arrêté invalidé. C'est ubuesque", a-t-elle ajouté.
Sur X, la CFDT a crié "victoire". Le gouvernement "a outrepassé son autorité pour prendre cette décision. S'il veut poursuivre sa politique délétère du choc des savoirs, il devra présenter un décret au CSE (Conseil supérieur de l'Education)", a-t-elle écrit, promettant d'agir pour obtenir "l'abandon des groupes de niveau".