Condamné à trois ans de prison ferme pour fraude fiscale et blanchiment en 2016, l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac est jugé en appel à partir de lundi après-midi pour avoir dissimulé pendant des années des comptes à l'étranger.
Un scandale retentissant. Un premier compte en Suisse, puis un transfert à Singapour via des sociétés offshore immatriculées dans les mers du Sud : cette fraude sophistiquée de l'ancien héraut de la lutte contre l'évasion fiscale restera comme le plus retentissant scandale du mandat de François Hollande.
Pour une "faute pénale d'une exceptionnelle gravité", le tribunal correctionnel de Paris a condamné l'ancienne étoile montante socialiste, outre la prison, à une peine de cinq ans d'inéligibilité. Sans amende, les époux Cahuzac s'étant acquittés d'un redressement majoré d'environ 2,5 millions d'euros.
Un "électrochoc salutaire". Ce sera aussi "un électrochoc salutaire" comme l'a souligné l'ONG Transparency International dans un communiqué, rappelant que le scandale a abouti à la création d'un parquet national financier et d'une agence anti-corruption, même si "le chemin à parcourir reste important" pour lutter contre l'évasion fiscale, qui coûte entre 40 et 80 milliards d'euros à l'État français chaque année.
Jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende. Devant la cour d'appel, les compteurs sont remis à zéro. Jérôme Cahuzac, 65 ans, devenu un paria de la politique, risque donc une peine de cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende. "Exilé de force" mais déterminé à se battre, il a pris cette fois pour avocat la star du barreau Eric Dupond-Moretti, dit "Aquittator".
Un seul autre appel. L'ancien député sera seul face à ses juges, avec l'ex-avocat genevois Philippe Houman, "cheville ouvrière" du transfert des avoirs de Suisse à Singapour, condamné à un an de prison avec sursis et à l'amende maximale de 375.000 euros. Les autres protagonistes de l'affaire ont renoncé à faire appel : l'ex-épouse de Jérôme Cahuzac, Patricia Ménard, condamnée à deux ans de prison ferme pour une vie "enracinée dans la fraude" selon le jugement ; la banque genevoise Reyl & Cie, "instrument de la dissimulation des avoirs" qui s'est vue infliger l'amende maximale de 1,875 million, et son patron François Reyl, condamné à un an avec sursis et 375.000 euros d'amende.
L'histoire d'un homme qui avait "une part d'ombre"
Cette affaire est avant tout l'histoire de la chute d'un homme qui avait, de son propre aveu, "une part d'ombre". Un chirurgien de talent saisi du virus de la politique, un ministre brillant, selon collaborateurs et élus de tous bords. Mais aussi, comme l'a crûment mis en lumière le procès, un fraudeur au nom de code "Birdie" qui se fait remettre dans la rue des liasses de billets provenant de ses comptes cachés.
Négation, démission, aveu. Quand, en décembre 2012, le site d'informations Mediapart révèle que le ministre du Budget a un compte en Suisse, Jérôme Cahuzac commence par nier, les "yeux dans les yeux" des députés, de ses proches, du président. Il finira par démissionner le 19 mars 2013, puis avoue le 2 avril.
3,5 millions d'euros dissimulés. Le procès a révélé les secrets bancaires d'un couple dans la tourmente. Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flots de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par les époux. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l'île de Man pour elle. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros. L'argent s'est retrouvé à hauteur de 600.000 euros sur le compte suisse de Jérôme Cahuzac, transféré en 2009 de Genève à Singapour, à hauteur de 2,7 millions d'euros sur le compte de l'île de Man géré par Patricia Cahuzac, et pour près de 240.000 euros de chèques versés sur les comptes de la mère de l'ex-chirurgien.