De l'acquittement à la condamnation, comment expliquer le verdict du procès Tron ?
Georges Tron a été condamné mercredi soir à cinq ans de prison, dont trois ferme, pour viol et agressions sexuelles en réunion sur une ancienne collaboratrice. Le maire de Draveil avait été acquitté en première instance. Mais la constance de la plaignante, et l'évolution du regard sur la question du consentement, expliquent ce retournement en appel.
Mercredi soir, Georges Tron est resté impassible à l'énoncé du verdict de la cour d'assises de Paris. Droit comme un i dans son costume sombre, l'édile de Draveil a remis sa montre à son avocat après avoir été condamné en appel à cinq ans de prison, donc trois ferme, pour viol et agressions sexuelles en réunion sur une collaboratrice de sa mairie de l'Essonne. Escorté par les gendarmes qui lui ont épargné l'humiliation supplémentaire du menottage en public, l'homme a quitté la salle sans autre soutien que celui de ses avocats et d'un jeune draveillois, venu le saluer.
Un nouveau regard vis-à-vis du consentement
En première instance, pourtant, lui et sa co-accusée Brigitte Gruel avaient été acquittés. Que s'est-il donc passé pour qu'intervienne un tel retournement au bout de dix années de procédure marquées par la démission de Georges Tron du gouvernement Fillon, en 2011, puis une ordonnance de non-lieu infirmée avant un verdict favorable et, donc, cette condamnation ? Condamnation qui s'assortit d'ailleurs d'un placement en détention, quand l'avocat général avait requis plutôt un bracelet électronique, estimant que la prison n'était pas nécessaire.
Le dossier est complexe. Georges Tron et son ancienne adjointe, Brigitte Gruel, ont toujours clamé leur innocence , jusqu'à nier avoir eu des relations sexuelles même consenties avec les plaignantes. En première instance, le tribunal de Bobigny avait estimé que les accusés avaient menti mais que la preuve de la contrainte n'avait pas été apportée. Deux ans plus tard, les juges et le jury étaient bien sûr différents. Mais c'est aussi un nouveau regard vis-à-vis de la question du consentement qui s'est posé sur l'affaire. Les accusés ont été condamnés pour les viols et agressions sexuelles dénoncés par l'une des deux plaignantes, Virginie Ettel.
La constance de Virginie Ettel
Cette ex-employée de la mairie de Draveil a toujours été constante dans ses déclarations. Depuis son dépôt de plainte en mai 2011, jusqu'à ses propos devant la cour d'assises, en passant par ses auditions et la confrontation avec les accusés, Virginie Ettel a toujours dénoncé une première scène de réflexologie plantaire lors de son entretien d'embauche qui a dérivé vers des gestes sexuels. Puis, deux scènes de viols en réunion. Ses tentatives de suicides, sa première demande de démission refusée, sont autant d'éléments qui attestent de la véracité des faits.
La cour d'assises de Paris a retenu la surprise et la contrainte morale pour caractériser le viols et les agressions sexuelles sur Virginie Ettel. Pour l'avocat général, Jean-Christophe Muller, c'est une décision logique, alors que lui avait parlé de l'emprise d'un patron sur ses employés lors de son réquisitoire. "Il ne faut pas jouer sur les mots non plus", explique-t-il à Europe 1. "'Contrainte', 'domination', 'emprise', on est dans la même idée. Dans une situation où il y a un rapport complètement asymétrique, déséquilibré. Et ce qui caractérise la contrainte ou l'emprise, c'est l'abus. Pas le seul fait d'être dans une position dominante mais d'en abuser, dans une perspective volontaire de réduire à rien le consentement."
Onze heures de délibération
En revanche, Georges Tron a été acquitté pour les faits dénoncés par Eva Loubrieu, la deuxième plaignante dans cette affaire. Cette dernière avait reconnu une relation consentie au départ avec l'édile et a trop varié dans ses déclarations pour emporter la certitude de la cour d'assises.
Preuve que la décision fut difficile à prendre, le jury a délibéré pendant onze heures mercredi. Ce verdict est peut-être désormais le point final de cette procédure initiée il y a plus de dix ans. Les accusés ont cinq jours pour se pourvoir en Cassation mais, dans tous les cas, Georges Tron restera en prison.