"La liberté des hommes et des femmes, à condition qu'elle n'empiète pas sur autrui, à condition qu'on ne commercialise pas les produits du corps humain ou le corps humain" lui-même. Tel doit être le principe directeur de l'élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA), pour le professeur René Frydman, pionnier de la fécondation in vitro et invité de C'est arrivé demain, dimanche sur Europe 1. Alors qu'un rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) doit évoquer la question cette semaine, le médecin a tenu à replacer le débat dans son "contexte", au micro de Patrick Cohen.
La PMA, ce n'est pas la GPA... Petite explication de sigles pour comprendre le débat
"Pas dans une société moralisatrice". "La société a changé depuis 40 ans : le nombre de couples qui se multiplie, des familles monoparentales...", énumère René Frydman. "On ne s'oppose pas, en tant que société, à ce qu'une femme seule ait un enfant", poursuit-il, comparant la PMA à la chirurgie plastique et esthétique. "Est-ce qu'on va répondre à un état de bien-être ? Quelles sont les limites ? Tout ce qui est acceptable, à condition de ne pas empiéter sur autrui, de ne pas utiliser l'enfant à ses propres fins et de ne pas le 'chosifier'", répond-il.
À ceux qui s'inquiètent de la mise en place d'une PMA "sans père", car étendue aux couples de lesbiennes et aux femmes seules, le professeur note que les familles monoparentales "existent déjà". "Nous ne sommes pas là pour interdire à une femme d'avoir une rencontre, de faire un enfant et de quitter l'homme avec qui elle l'a fait. Nous ne sommes pas dans une société moralisatrice de ce point de vue", rappelle-t-il.
"Eviter le tourisme médical". René Frydman souligne que beaucoup de femmes françaises se rendent pour l'instant dans d'autres pays européens, notamment en Belgique, avant de rentrer en France pour le suivi de leur grossesse. "Je pense que l'on peut regarder cette demande, l'encadrer et éviter ce tourisme médical à condition qu'il y ait un véritable accompagnement", affirme-t-il. "Il ne s'agit pas de répondre à toutes les demandes. L'expérience des médecins belges montre qu'ils (...) n'acceptent pas toutes les demandes parce qu'ils estiment que les conditions sociales, psychologiques, physiques ne permettent pas forcément d'y répondre", poursuit le professeur, par ailleurs opposé à l'autorisation de la GPA.
"Le fond du problème, c'est peut-être de se dire qu'il n'y a pas de droit à l'enfant", déroule le spécialiste, qui propose qu'une participation financière des personnes tentant une procréation assistée serve "à un fond de recherche scientifique". "La PMA donne aujourd'hui 20% de succès, c'est insuffisant", note-t-il. "C'est très bien de vouloir étendre cette méthode, à condition qu'elle marche."