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En 1989, la France se déchirait pour la première fois sur le port du foulard à l'école

Caroline Baudry, édité par Ugo Pascolo - Mis à jour le . 3 min

Il y a plus de trente ans, la France débattait pour la première fois du sujet de la laïcité, et plus précisément du port du foulard à l'école. À l'origine de cette polémique qui allait éteinte par le conseil d'État, trois jeunes collégiennes qui refusaient de retirer leur foulard.

Le 18 septembre 1989, il y a plus de trente ans, la France allait se diviser pour la première fois sur le port du foulard à l'école . À l'origine de cette polémique, trois jeunes filles scolarisées au collège Gabriel Havez de Creil, dans l'Oise : Fatima, Leila, et Samira. Musulmanes pratiquantes, elles portent un foulard depuis un an et refusent de le retirer. Au nom de la laïcité, les trois jeunes filles sont reconduites chez elles par un enseignant : elles n'entreront pas au collège tant qu'elles n'ôteront pas leur foulard, au moins dans les salles de classe. 

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"C'est un peu raciste"

Pour le père de Samira, c'est l'incompréhension. Il tient à ce que ses filles portent le voile à l'école. "Vous voulez porter un chapeau, vous êtes libres. À mon avis c'est un peu raciste. Ce sont des gamines de 14 ans, qu'est-ce qu'elles connaissent de la politique ?", réagit-il le 5 octobre 1989, auprès de Brigitte Benkemou, journaliste à Europe 1.

Rapidement le ministre de l'éducation Nationale Lionel Jospin s'exprime. Il appelle au dialogue entre la direction du collège et les familles. "Je crois qu'il faut veiller à deux principes : d’abord veiller à la laïcité de l'école où l'on n'affiche pas de façon ostentatoire les signes de son appartenance religieuse. Mais il faut veiller à un autre principe, l'école est faite pour accueillir les enfants, pas pour les exclure." C'est ainsi que débute l'affaire des foulards de Creil, mais aussi d'un débat national enflammé : le port du voile musulman à l'école est-il compatible avec le principe de laïcité ?

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Une avalanche de réactions

L'affaire donne lieu à une avalanche de réactions : pas moins de 500 articles sont rédigés dans la presse en moins de deux mois, pendant que les radios et les télévisions tournent en boucle sur l'affaire. Mais au collège de Creil, chacun reste crispé sur ses positions. Le 19 octobre, ces trois adolescentes ne sont pas toutes retournées en classe. Une situation intolérable pour Cheikh Haddam, recteur de la Mosquée de Paris, qui se sent indigné. Et quand les journalistes lui demandent quelle est la signification de ce voile, il répond : "C'est peut-être une réaction à certaines tenues qui dépassent la décence. Est-ce que c'est du prosélytisme religieux ? Pas du tout. Il y a beaucoup de bons musulmans qui n'ont absolument rien sur la tète. Une jeune fille demande à ce que ses cheveux soient couverts, je crois que c'est son droit le plus absolu."

Pendant ce temps, la polémique enfle dans la classe politique et les critiques s'abattent sur le ministre de l'Éducation nationale. D'un bout à l'autre de l'échiquier politique, il est accusé de laxisme. Une cinquantaine de députés socialistes lui adressent un courrier de protestation. Et au Front National Bruno Mégret, alors député européen prône un discours anti-immigration. "Dans un premier temps, les personnes étrangères se sont installées en France, et maintenant c'est leur culture leur civilisation, leur religion, leur civilisation qui s'installe dans notre pays. C'est l'affaire des mosquées, c'est l'affaire des tchadors, prenons garde !"

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Lionel Jospin prône "le sens de la nuance"

Face aux critiques, Lionel Jospin décide de ne pas entrer dans le débat idéologique et saisit le conseil d’Etat. Il tente de jouer l’apaisement. "Il faut avoir le sens de la nuance, il faut rester humain et de bon sens. Donc je ne me sens pas du tout coincé dans ces affaires. Mais je ne veux pas imposer de règles rigides et uniformes", se défend-il. 

Une position qu'il tiendra jusqu'au 27 novembre, jour où le conseil d'État rend son avis : c'est aux chefs d'établissements d'agir au cas par cas. Le port de signes religieux n'est pas incompatible avec le principe de laïcité. Une jurisprudence qui prévaudra jusqu'à la loi de 2004, qui interdit le port des signes religieux à l'école.