Le 25 décembre dernier, Arthur Kermalvezen recevait le coup de fil qui allait changer sa vie. Depuis plusieurs années déjà, ce Français de 34 ans, né d'un don de sperme anonyme, avait fait de la recherche de ses origines le moteur de son existence, jusqu'au militantisme. En octobre dernier, cet agent commercial s'est lancé : il a commandé un simple test salivaire vendu 99 dollars sur un site Internet américain, est parvenu à retrouver un cousin éloigné franco-anglais sur la base de données, a remonté son fil généalogique… jusqu'à son géniteur. Une première en France, car la démarche est illégale.
Une lettre et un coup de téléphone. Son géniteur s'appelle Gérard, il a 74 ans, habite la région parisienne. Gérard est marié et a deux grands fils, de 45 et 44 ans. Arthur Kermalvezen veut procéder discrètement. Il craint que la famille de son géniteur ne soit pas au courant qu'il a été donneur. Alors Arthur lui fait passer une lettre via ses voisins. Contre toute attente, alors qu'il se promenait avec ses propres enfants le jour de Noël, il reçoit un appel. C'est Gérard. Il a lu sa lettre, et il est ravi de cette prise de contact, aussi inattendue qu'inespérée.
"Il cherchait dans un labyrinthe qui n'en finissait pas". Vendredi sur Europe 1, Gérard s'est confié sur cette incroyable découverte. En ouvrant la lettre d'Arthur, le septuagénaire n'en a pas cru ses yeux. "Dans ma tête, c'était l'anonymat total. J'étais persuadé que les parents d'Arthur garderaient ça pour eux, comme un secret de famille. Évidemment, on est au 21e siècle et tout a bien changé. Et c’est tant mieux !", témoigne-t-il. "Ça fait bizarre parce que vous vous apercevez que ce jeune homme était en détresse. Il cherchait, il cherchait, il cherchait dans cette espèce de labyrinthe qui n’en finissait pas. Mais ce qui m'a franchement sidéré, c'est le cheminement pour arriver jusqu'à moi. C'est fou. Quelle histoire !"
Une future rencontre "certainement très émouvante". Gérard préfère rester discret sur son identité, car une partie de sa famille proche n'est pas au courant de cette histoire. "C'était une excellente surprise. Mais ça reste une surprise. Ce n’est pas à 99% positif, il y a toujours des petits côtés négatifs, de l’appréhension, comment ça va être perçu au sein des familles…", souligne-t-il. Depuis, Gérard et Arthur communiquent par téléphone, en attendant la rencontre physique qui devrait avoir lieu le mois prochain. "J’ai sa photo déjà. Ça va certainement être émouvant. Je suis d'une nature très émotive…", glisse-t-il.
Un "heureux événement". Cette rencontre sera aussi l'occasion pour Gérard d'expliquer à Arthur ce qui l'a conduit à donner son sperme, dans les années 1970. "J'ai été marié une première fois, et on a été sept ans sans avoir d’enfant. Alors je comprenais très bien la demande des couples qui ne pouvaient pas avoir d’enfant". Aujourd'hui, Gérard se réjouit de cet "heureux événement". "J'arrive en fin de course. Il ne faut quand même pas rêver, je suis un peu en sursis. Ça me permet de rajeunir !"
Si le combat d'Arthur Kermalvezen pour la levée de l'anonymat des donneurs (en accord avec les deux parties) aboutit, il se pourrait que d'autres jeunes gens viennent frapper à la porte de Gérard. Mais le retraité l'assure au micro d'Europe 1 : il sera ravi de les accueillir.