Pierre-Henri Tavoillot 2000*1000 2:50
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Ugo Pascolo
Invité d'Europe Midi lundi, quelques heures après un nouvel hommage à Samuel Paty, le philosophe Pierre-Henri Tavoillot détaille le principe de laïcité. Selon lui, celui-ci ne vise pas "à effacer les religions mais à lutter contre le prosélytisme" et nécessite donc de la discrétion.
INTERVIEW

C'est un principe connu de tous mais dont l'application est parfois compliquée : la laïcité. Quelques heures après un nouvel hommage à Samuel Paty, ce professeur assassiné pour avoir montré les caricatures de Mahomet en classe, le philosophe Pierre-Henri Tavoillot fait le point sur cette notion fondamentale de la société française. D'après l'auteur de La morale de cette histoire, la laïcité se décline selon les lieux où une personne se trouve. "Dans l'espace privée, c'est la liberté qui prime. Dans l'espace public, la laïcité implique une neutralité, tandis que dans l'espace civique (les lieux où l'on se rencontre), c'est la discrétion qui s'applique. Le principe de la laïcité, c'est donc la discrétion."

Une discrétion "à la fois des expressions religieuses, mais aussi des critiques à l'égard de la religion", détaille Pierre-Henri Tavoillot. "La laïcité ne vise pas à effacer les religions mais à lutter contre le prosélytisme. Parce que ce dernier entraîne une nuisance à autrui."

Dès lors, est-il normal de se sentir lésé lorsque quelqu'un s'attaque à sa religion, par exemple en la caricaturant, comme le fait régulièrement le journal satyrique Charlie Hebdo ? La liberté d'expression a-t-elle des limites ? Sur une question aussi épineuse, Pierre-Henri Tavoillot pointe la nécessité de clarifier la différence entre offense et préjudice. "L'offense est une injure mais la question est de savoir si elle produit un préjudice. Concrètement, est-ce que nos intérêts sont lésés ?"

Ainsi, se sentir vexé n'est en rien un argument valable pour limiter la liberté d'expression, puisqu'aucun préjudice n'est subi. Il s'agit d'une simple offense. En revanche, en cas de diffamation par exemple, le préjudice est réel (et il peut d'ailleurs être puni par la loi). 

Diffuser les caricatures de Mahomet pour provoque l'indignation

Une distinction qu'il est tout particulièrement importante de faire dans le contexte d'un blasphème, où c'est la croyance d'une personne qui peut être mise à mal. Dans le cas des caricatures de Mahomet republiées par Charlie Hebdo, Pierre-Henri Tavoillot rappelle que "personne n'est contraint de les regarder". D'ailleurs, "elles s'adressent aux personnes qui lisent le journal, qui sont abonnées. Et ceux qui ont intérêt à diffuser largement ces caricatures sont les personnes qui surfent sur l'indignation." 

Et c'est ce qu'il s'est passé avec les caricatures de Charlie Hebdo. Lors de leur première publication le 30 septembre 2005 dans le quotidien danois Jyllands-Posten, ces dessins avaient été largement diffusés notamment par des imams danois, qui les accompagnaient en outre de faux, dans l'espoir de déclencher une vague d'indignation dans le monde arabo-musulman.