Après les réserves du ministère de l’Éducation nationale, voici la "solennelle mise en garde" de l’Académie française. Jeudi, les immortels ont adopté à l’unanimité une position sur l’écriture dite "inclusive", destinée à mettre sur un pied d'égalité les femmes et les hommes. "Devant cette aberration 'inclusive', la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd'hui comptable devant les générations futures", a affirmé l'Académie. Ce mode d’écriture alternatif - pas encore adopté pour les écoles - fait débat et ses détracteurs sont déjà très nombreux. Mais avant d’écouter leurs arguments, étudions cette nouvelle manière d’écrire.
Une écriture, trois principes. En 2015, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes (HCE) et les hommes avait publié un guide incitant les pouvoirs publics à adopter une communication "sans stéréotypes de sexe". Plusieurs ministères, institutions, collectivités et universités se sont depuis engagés à appliquer ces recommandations. Pour aller plus loin, un Manuel d’écriture inclusive a été récemment édité par l’agence de communication Mots-Clés. On y trouve une définition simple. L’écriture inclusive est décrite comme un "ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes".
Cette écriture inclusive repose sur 3 principes :
- Accorder les fonctions, les métiers mais aussi les titres et grades en fonction du genre. On écrira ainsi une "pompière", "une maire", "une auteure".
- Au pluriel, le masculin ne l’emporte plus sur le féminin. Il faut inclure les deux sexes grâce au point milieu. On écrira donc "les électeur·rice·s", "les citoyen·ne·s"
- Ne plus employer les mots "homme" et "femme" mais utiliser des termes beaucoup plus universels comme "les droits humains" (à la place des "droits de l’homme").
Pourquoi utiliser cette écriture inclusive ? D’abord, dans ses recommandations, le HCE explique que le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin. "Jusqu’au XVIIe siècle, tous les noms de métiers, fonctions et dignités exercé.e.s par des femmes étaient nommé.e.s au féminin, de même que tous les métiers, fonctions et dignités exercé.e.s par des hommes l’étaient au masculin", rappelle le texte.
Et justement, les défenseurs de l’écriture inclusive estiment qu’il est grand temps de réajuster les choses. "Le langage structure notre pensée", assure à Sud-Ouest Eliane Viennot, professeure de littérature à l’université et auteure de "Non le masculin ne l’emporte pas sur le féminin. "Expliquer aux enfants que 'le masculin l’emporte sur le féminin' ne peut guère contribuer à forger des consciences égalitaristes. "S’adresser au masculin à un groupe où il n’y a qu’un homme non plus".
Une nouvelle écriture qui fait débat. Malgré les recommandations du HCE, le débat était resté loin du grand public. Fin septembre, Le Figaro relève qu’un manuel scolaire de CE2 rédigé en écriture inclusive avait été publié par les éditions Hatier il y a six mois. Les critiques ne se font pas attendre. L’une des plus féroces émane du chroniqueur Raphaël Enthoven sur Europe 1. Il voit dans cette nouvelle écriture "une agression de la syntaxe de l’égalitarisme".
Écoutez l’avis de Raphaël Enthoven sur l’écriture inclusive :
Plusieurs députés Les Républicains ont également envoyé une lettre au ministère de l’Éducation nationale pour lui demander d’interdire l’écriture inclusive dans les manuels scolaires. Au sein-même du gouvernement, le sujet fait débat. Soutenue par la Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les hommes et les femmes Marlène Schiappa, cette mesure semble gêner aux entournures le ministre de l’Éducation nationale. "Je me considère comme un homme féministe" mais "je suis très réservé" car "cette écriture inclusive morcèle les mots", expliquait récemment Jean-Michel Blanquer.