#MeToo en entreprises : "Il faut arrêter de dire qu'une formation suffit à modifier le comportement"

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Jihane Bergaoui, édité par Anaïs Huet , modifié à
Un an après la naissance du mouvement #MeToo, Europe 1 tâche de comprendre ce qui a évolué, et ce qui peine encore à s'améliorer. En entreprise, le constat dressé par une docteure en psychologie n'est pas très reluisant.

"Rien ne change." Voilà le triste constat établi par Marie Pezé, docteure en psychologie, au micro d'Europe 1. Un an après la naissance du mouvement de libération de la parole des femmes, #MeToo et #BalanceTonPorc, cette professionnelle organise des formations au sein des entreprises pour sensibiliser au harcèlement et aux agressions sexuelles. Et selon elle, il y a encore beaucoup d'efforts à accomplir pour faire évoluer les mentalités.

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Une "information", pas une "formation". Marie Pezé estime que les moyens alloués pour mener à bien sa mission en entreprises sont dérisoires. "Il faut arrêter de penser qu'une formation de deux heures, c'est une formation. C'est une information", dénonce-t-elle d'abord. "Et il faut arrêter de dire qu'une formation suffit à modifier le comportement", ajoute-t-elle. D'autant que ces sessions ne sont pas obligatoires, la plupart du temps.

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"Les harceleurs ne viennent pas". Et pour cause, la docteure en psychologie constate amèrement que face à elle, lors de ces formations, ce sont toujours les mêmes types de personnes qui se présentent. "Ceux qui viennent, ce sont les femmes qui ont subi des choses et qui nous les racontent, et des hommes bien. Ce ne sont jamais les harceleurs, les prédateurs, ou ceux qui abusent de leur pouvoir, qui viennent à ce type de formations", déplore-t-elle.

"Les comportements continuent de se perpétrer". Marie Pezé regrette aussi de voir avec quelle frilosité, quelle pudibonderie la question est évacuée par certains. Résultat, le dialogue est empêché. "Quand je sollicite les médecins du travail, et que je leur dis : 'il faudrait vous former sur la question du harcèlement sexuel', tout le monde est gêné parce qu'on parle du sexuel. Les comportements continuent donc à se perpétuer dans la plus parfaite impunité", s'agace la docteure en psychologie.

>> De 5h à 7h, c'est "Debout les copains" avec Matthieu Noël sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Des cas trop fréquents. Le milieu de l'entreprise est particulièrement touché par ce type de violences envers les femmes. Selon une enquête Ifop de 2018, 32% des femmes interrogées ont révélé avoir déjà été victime de harcèlement sexuel au travail au cours de leur carrière. Il s'agit de commentaires vulgaires, de sifflements, de remarques sur la tenue ou le physique, ou même parfois de gestes déplacés. Ces comportements sont souvent tus par les victimes. Seules 7 à 15% d'entre elles parlent de cette expérience à leur supérieur, à un syndicaliste ou aux ressources humaines.  D'où la nécessité de mettre l'accent sur la sensibilisation de tous.

Au début de l'année 2018, le Défenseur des droits a lancé une grande campagne de lutte contre le harcèlement sexuel au travail. Les victimes d'abus sur le lieu professionnel peuvent faire appel à lui pour les aider, ou en parler à une association, un syndicat, un avocat ou à l'inspection du travail.