Michel, 69 ans, a aidé sa femme à être euthanasiée en Suisse : "C'était le seul moyen d'échapper à l'enfer qu'était devenue sa vie"

En France, la loi Leonetti interdit explicitement l'euthanasie et le suicide assisté, rappelle le psychiatre Christophe Fauré.
En France, la loi Leonetti interdit explicitement l'euthanasie et le suicide assisté, rappelle le psychiatre Christophe Fauré. © AFP
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Gravement malade, Mireille, la femme de Michel a décidé d'aller se faire euthanasier en Suisse, en 2014. Au micro d'Europe 1, jeudi, il témoigne de la douleur inouïe subie par son épouse, de l'absence d'espoir d'une guérison et d'une législation française selon lui trop restrictive.
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À la suite d'un accident médical, la femme de Michel, 69 ans aujourd'hui, a développé une maladie qui la faisait horriblement souffrir. Plus de vie sociale, pas de possibilité de guérison… En 2014, Mireille a décidé d'aller en Suisse se faire euthanasier pour abréger la douleur. Avant de mourir, elle a laissé une lettre pour expliquer sa décision, que Michel a justifiée au micro d'Olivier Delacroix, jeudi, sur Europe 1.

"Mon épouse Mireille a été victime d'un accident médical, une chirurgie orthopédique ratée au pied. Elle en a conservé des séquelles neurologiques, que l'on appelle des 'douleurs neuropathiques', d'une violence inouïe, au maximum sur l'échelle de la douleur. Elles sont permanentes, même au repos, et résistent aux antalgiques les plus puissants. C'est insupportable.

Malgré son courage et sa rage de vivre, supporter une telle souffrance est devenu impossible pour Mireille. Elle ne pouvait plus travailler, elle n'avait plus de vie sociale ni familiale. Elle avait de moins en moins d'autonomie, sans aucun espoir de guérison. Mireille n'avait plus qu'une envie : mourir, seul moyen d'échapper à l'enfer qu'était devenue sa vie.

"Elle s'est endormie rapidement, juste le temps des derniers adieux, avant de mourir doucement"

J'ai vécu avec elle, je l'ai accompagné au quotidien pendant son calvaire. Mireille était en échec thérapeutique malgré une grande prise en charge médicale. C'est malheureux, mais la législation accule les malades désespérés au suicide. Ils n'ont pas d'autres choix que celui de s'expatrier pour aller chercher la délivrance dans la dignité. C'est avec l'assistance de l'association Life Circle, en Suisse, et de deux médecins, que Mireille a souhaité mettre fin à sa vie. 

 

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

 

En Suisse, il y a deux longues visites médicales qui sont effectuées par des médecins indépendants. Elles sont nécessaires pour certifier que la demande de mort est médicalement justifiée, que tous les traitements possibles ont échoué et surtout pour vérifier que la personne a conservé intactes ses facultés de jugement et de discernement. Le feu vert étant donné, tout s'est passé simplement. L'anesthésiste a posé une perfusion, Mireille a ouvert elle-même le robinet qui a libéré le produit létal, un barbiturique très puissant, dans sa veine. Elle s'est endormie rapidement, juste le temps des derniers adieux et mots d'amour avant de mourir doucement.

 

Elle a laissé une lettre publique pour expliquer son geste. Cette lettre, c'est une lettre militante. Mireille voulait témoigner parce que ça lui semblait essentiel qu'on comprenne comment le choix de mourir peut devenir la seule alternative possible. Par ce témoignage, j'aimerais convaincre que nous devons laisser à chacun la liberté de décider qu'à un moment, la vie ne vaut plus la peine d'être vécue."

L'avis de Christophe Fauré, psychiatre et spécialiste du deuil et des soins palliatifs

"Pour l'instant, la loi Leonetti, renouvelée en 2016, interdit explicitement le recours à l'euthanasie et au suicide assisté. Derrière, il y a des raisons éthiques, médicales et historiques. 

Le développement des soins palliatifs est encore très en retard dans notre pays alors qu'il y a pourtant des textes de loi, tellement méconnus. On ignore par exemple ce que c'est véritablement que la personne de confiance, les directives anticipées, qui permettent de mettre noir sur blanc, un refus catégorique de l'acharnement thérapeutique. La personne de confiance peut avoir cette valeur auprès des médecins. C'est un progrès.

Dans les situations où il y a une impossibilité de contrôler les douleurs physiques ou psychologiques, il y a le recours à la sédation terminale, c'est-à-dire induire un coma artificiel chez la personne pour déconnecter sa conscience de la perception douloureuse. Dans l'immense majorité des cas, cela apaise considérablement la situation pour la personne ou les proches."