Dans l’univers des réseaux sociaux, c’est une voix qui compte peut-être un peu plus qu’une autre. Dans une tribune au vitriol publié sur le New York Times, Chris Hughes, le cofondateur de Facebook, qu’il a quitté en 2012, appelle à "démanteler" l’entreprise présidée par Mark Zuckerberg. Alors que ce dernier est reçu vendredi par Emmanuel Macron, dans le cadre de la lutte contre les "contenus haineux" publiés sur le réseau social, Chris Hughes livre une charge en règle contre son ancienne maison. Selon lui, Facebook est devenu "un Léviathan" dont le monopole est "dangereux". "Je suis déçu de moi-même et de l’équipe historique de Facebook, pour ne pas avoir pensé à la façon dont ses algorithmes allaient changer notre culture, influencer nos élections et donner plus de puissances aux leaders populistes", dénonce Chris Hughes.
Facebook, qui a racheté Instagram (partage de photos) en 2012 puis WhatsApp (messagerie instantanée) en 2014, revendique 2,7 milliards d'utilisateurs mensuels sur l'ensemble de ses plateformes. Et il est régulièrement pointé du doigt, accusé de relayer des fausses informations, des contenus haineux ou de "restreindre le choix des consommateurs", dixit Chris Hughes, du fait des publicités ciblées. Chris Hughes appelle les dirigeants du groupe et les gouvernements à saisir ces problèmes à bras le corps. Mais l’utilisateur peut déjà réduire son exposition aux réseaux sociaux et, donc, les rendre moins influents dans sa vie. Voici nos conseils.
Prendre conscience des dangers d’une surexposition
Près de 70% des Français sont inscrits sur un réseau social, et ils y passent en moyenne 1h22 par jour. Pour presque la moitié des 18-34 ans (48%!), les consulter est même le tout premier geste du matin, avant d’aller aux toilettes ou d’allumer la lumière, selon une récente synthèse des recherches. D’après la même étude, 42% des adolescents déclarent qu’ils seraient "dévastés" s’ils devaient s’en passer plusieurs jours d’affilée. Or, au-delà des contenus haineux et des fausses informations auxquels ils nous confrontent, une surexposition aux réseaux sociaux peut s’avérer néfaste. En prendre conscience est donc peut-être la première étape pour réduire notre exposition.
"Si les individus trouvent les réseaux sociaux divertissants à court terme, ils sont susceptibles d’éprouver de la culpabilité à leur contact, liée au fait qu’ils ont négligé d’autres tâches plus importantes", analysent deux chercheurs de l’université d’Aix-Marseille dans The Conversation. Par ailleurs, à voir en permanence la vie des autres, la tentation de se comparer est grande. Or, comme chacun s’évertue en permanence à montrer le meilleur de sa vie, "on est souvent enclin à penser que les autres sont plus heureux et ont une vie bien plus agréable que la nôtre", résument les deux chercheurs.
L’ultime risque lié aux réseaux sociaux vient d’un phénomène appelé "FOMO", pour "fear of missing out", ou "peur de louper quelque chose". "On craint que les autres aient des expériences enrichissantes sans nous. Cette peur conduit l’internaute à vouloir prendre connaissance au plus tôt des nouvelles informations. Quand elle est élevée, la Fomo est souvent associée à une humeur négative, une faible satisfaction de sa vie", lit-on encore dans The Conversation.
Rendre les réseaux sociaux les moins attrayants possibles
Après la prise de conscience, plusieurs méthodes peuvent vous aider à "couper". Un bon moyen de se sevrer des réseaux sociaux consiste à se rendre compte du temps que l’on passe dessus. Ainsi, essayez de chronométrer le temps écoulé entre le moment où vous vous connectez et celui où vous vous arrêtez. Puis faites de même pour les périodes que vous passez sans vous rendre sur aucun réseau en ligne. Vous pouvez vous munir ensuite d’un calendrier, et essayez de vous fixer des objectifs : tel jour je tiens tant de temps, tel jour tant de temps etc.
Pour calculer le temps passé sur les réseaux sociaux, vous pouvez aussi vous aider… de votre téléphone. Les applications Moment, Quality Time ou Checky, par exemple, sont destinées à cela. Et pourquoi ne pas vous mettre des alarmes pour respecter le temps d’utilisation que vous vous êtes fixé ?
" Il y a un usage pathologique lorsque l’internaute devient incapable de différencier le dedans du dehors, l’intériorité de l’extériorité "
Aujourd’hui, la consommation des réseaux sociaux se fait en grande partie via les smarphones. Pour passer le moins de temps possible sur les réseaux, vous pouvez, aussi, commencer par mettre votre téléphone (ou les applications concernées) en mode "muet" et/ou couper les notifications, en procédant là encore par étapes : d’abord une heure, puis deux, puis une demi-journée, une journée, un week-end etc. Et si votre smartphone émet beaucoup de lumière, n’hésitez pas à le poser à l’envers, côté vitre, "sur le ventre". En outre, avec la plupart des téléphones, dans la gestion des couleurs (dans les paramètres), vous pouvez également afficher l'écran en noir et blanc, dans le but de les rendre moins attrayants.
Trouvez des substituts dans la vie "réelle"
Pour le psychiatre Serge Tisseron, il y a aussi un usage "pathologique" des réseaux sociaux lorsque l’internaute "devient incapable de différencier le dedans du dehors, l’intériorité de l’extériorité". Pour réduire notre exposition aux réseaux sociaux, il s’agit donc selon lui accroître notre présence "IRL", "in real life", dans la vie réelle, pour reprendre une expression courante dans les milieux geeks. Pourquoi ne pas, par exemple, vous lancer un défi de diminuer l'usage des réseaux sociaux avec vos proches ? Vous vous fixez des objectifs à plusieurs, et vous vous "forcez" ainsi à vous appeler plus souvent ou à vous voir "en vrai".
Le besoin de "réel" peut valoir pour les rencontres, mais aussi pour l’information. Aujourd’hui, selon Harris Interactive, 36% des Français font confiance aux réseaux sociaux pour s'informer. Or, si elle est par certains aspects plus libre, l’information sur les réseaux sociaux est encore loin d’être neutre. Elle ne circule qu’à travers les posts des utilisateurs, qui sont mis en avant suivant des règles d’algorithmes complexes. Que cela soit pour suivre l’actualité, vous renseigner sur l’agenda culturel de votre ville, les nouveaux vêtements à la mode ou les dernières sorties high-tech, pourquoi ne pas varier les formats (radio, TV, magazines, journaux ou autres plateformes web…) ?
Pour finir, essayez de compenser votre "envie de réseaux sociaux" par autre chose. Cela implique, d’abord, d’identifier les moments et les raisons qui vous poussent à vous jeter dessus d’habitude. Est-ce pour vous détendre face à une montée de stress ? Est-ce pour vous aider à dormir ? Est-ce par ennui ? En fonction, trouvez une activité qui pourrait remplacer le smartphone ou l’ordinateur. Cela peut tout simplement se traduire par un petit footing, une ballade à pied ou à vélo, une séance de marche, faire le ménage ou lire un bon bouquin. La méditation dite de "pleine conscience", le yoga, les "bains de forêt" ou "l’aïki-thérapie" ont également pour vertu de vous aider à vous ouvrir sur le monde extérieur et sur votre "univers" intérieur. Un "univers" ou vous ne risquez pas de croiser de "Fake news" ou de publicités ciblées.