Nouvelle-Calédonie : début de discussions sur l'avenir institutionnel à Paris

Depuis mai 2024, la Nouvelle-Calédonie est le théâtre de violences urbaines, tandis que de nombreux Calédoniens réclament l'indépendance de l'archipel. Un avis qui divise la population du "Caillou", dont les élections provinciales ont été reportées à une date indéterminée.
Les discussions entre l'Etat et les différentes forces politiques de Nouvelle-Calédonie sur l'avenir institutionnel du "Caillou" ont débuté mardi 4 février à Paris, dans un contexte de méfiance mutuelle entre indépendantistes et non-indépendantistes rendu encore plus explosif par les émeutes de 2024.
Reprise du "processus politique et des négociations à la fin de ce trimestre"
"Nous sommes face à un moment décisif, historique", a martelé le ministre des Outre-mer Manuel Valls lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, quelques heures après avoir entamé ces entretiens bilatéraux "avec tous les partenaires politiques de la Nouvelle-Calédonie".
L'ancien Premier ministre, qui avait déjà la charge du dossier calédonien lors de son passage à Matignon (2014-2016), a récupéré ce dossier bouillant avec l'objectif de relancer le processus politique dans l'archipel.
Dans sa déclaration de politique générale mi-janvier, François Bayrou avait annoncé son intention d'inviter "les forces politiques" de Nouvelle-Calédonie, disant souhaiter la reprise du "processus politique avec des négociations qui devront aboutir à la fin de ce trimestre".
Peu de détails ont filtré sur le contenu et l'agenda de ces bilatérales avec six délégations calédoniennes, représentant les forces politiques constituées en groupe au congrès de Nouvelle-Calédonie. Elles doivent continuer jusqu'à la semaine prochaine, Manuel Valls assurant que "seul le dialogue permettra de reconstruire un projet commun et partagé".
"La Nouvelle-Calédonie est meurtrie (...). Le sang a de nouveau coulé et les fractures sont profondes. Elles paraissent même irréductibles et j'ai le sentiment d'un terrible retour en arrière", a-t-il poursuivi dans l'hémicycle, répondant au député Emmanuel Tjibaou, qui mène la délégation des indépendantistes du FLNKS.
Le 13 mai 2024, des émeutes liées au projet gouvernemental de dégel du corps électoral calédonien ont éclaté en Nouvelle-Calédonie, ravageant son tissu économique, faisant 14 morts et plus de deux milliards d'euros de dégâts. Depuis, le processus politique est à l'arrêt et les deux camps ne se parlent plus.
"Cette nouvelle séquence a pour objectif de rétablir un dialogue sincère et apaisé entre les parties prenantes dans le cadre de la sortie de l'accord de Nouméa" signé en 1998, a indiqué lundi le ministère des Outre-mer, qui plaide la "discrétion" pour favoriser "l'esprit de responsabilité et d'écoute".
Les indépendantistes et non-indépendantistes divisés entre eux
Selon la même source, les entretiens à Oudinot, le siège du ministère des Outre-mer, viseront à "clarifier les positions de chacun, lever les malentendus et approfondir la compréhension des projets" de chaque groupe avant, "si les conditions politiques sont réunies, des négociations plus formelles".
Mais le chantier est ardu tant le fossé s'est creusé entre non-indépendantistes et indépendantistes, qui arrivent eux-mêmes divisés.
Principale alliance indépendantiste, le FLNKS est affaibli par le retrait de ses deux composantes les plus modérées (le Palika et l'UPM) mais entend poser à Paris ses conditions à la reprise du dialogue, exigeant "un accord conduisant à l'indépendance" conclu au plus tard en septembre 2025.
Le FLNKS a en outre élu à sa tête Christian Tein, en détention provisoire pour son rôle dans les émeutes de 2024, une provocation aux yeux des loyalistes. "On a face à nous des gens qui ne veulent pas d'accord", ont martelé la semaine dernière Sonia Backès et Nicolas Metzdorf, les deux chefs de file loyalistes, lors d'une réunion à Paris.
"On va à la table des négociations avec deux objectifs : faire respecter les résultats des trois référendums (de 2018, 2020 et 2021 qui se sont soldés par une victoire du "non", ndlr) et pouvoir vivre en sécurité", selon le député Nicolas Metzdorf.
Reste que le FLNKS a accepté lors de son congrès, fin janvier, de se déplacer à Paris. "Je prends comme un signe positif que toutes les formations politiques soient venues", a déclaré à l'AFP la présidente du Congrès calédonien, Veylma Falaeo, du parti Eveil océanien (EO).
"Posons sur la table les visions de chacun. Faisons simplement la liste des points sur lesquels nous sommes d'accord et ceux sur lesquels nous ne sommes pas d'accord", a ajouté la responsable de ce parti prônant une "troisième voie", qui espère que les bilatérales "vont permettre à l'Etat d'effectuer ce travail".