Pas plus de 12 élèves par classe en REP+ : pourquoi le dispositif inquiète

La mesure proposée par le ministre de l'Education consiste à limiter à douze élèves maximum les élèves de CP dans les REP +.
La mesure proposée par le ministre de l'Education consiste à limiter à douze élèves maximum les élèves de CP dans les REP +. © AFP
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C.O. , modifié à
La promesse d'Emmanuel Macron de réduire le nombre d'élèves en classe de CP dans les quartiers les plus défavorisés inquiète les enseignants de primaire.

Des enseignants de primaires, notamment en Seine-Saint-Denis, dans le Rhône ou le Var, ont fait grève mardi pour protester contre une réforme annoncée fin mai par le ministre de l'Éducation pour la rentrée 2017. Elle prévoit de limiter les effectifs de 2.200 classes de CP dans les écoles du réseau d'éducation prioritaire renforcé, les REP +. Dans ces classes, les élèves ne pourront pas être plus de 12. Un élargissement à d'autres classes est également prévu en 2018.

Pour mettre en place cette réforme, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré lundi que parmi les 4.000 créations postes prévues lors du quinquennat de François Hollande pour la rentrée 2017, 2.500 seront consacrés au dédoublement des classes de CP.

A première vue, difficile de comprendre pourquoi les enseignants s'opposent à des classes plus allégées. Certaines études publiées en France et aux États-Unis expliquent notamment que la réduction de la taille des classes permet une baisse des problèmes de discipline, et améliore l'implication des élèves dans leurs tâches. Pour autant les enseignants avancent plusieurs motifs de mécontentements.

  • Pas de postes en "réserves" pour la rentrée

"Sur les 4.000 postes créés lors du dernier quinquennat pour la rentrée 2017, 2.500 ont déjà été affectés par les inspecteurs d'académie", explique Francette Popineau, secrétaire générale du SNUipp-FSU, le premier syndicat des enseignants du primaire. "Cette affectation s'anticipe en début d'année en fonction des besoins dans chaque académie. Cela ne se fait pas au dernier moment", ajoute-t-elle.

Les 1.500 postes restant avaient été "mis de côté" par les inspecteurs d'académie. Ils devaient être affectés au moment de la rentrée scolaire, en septembre, dans les classes qui en avaient le plus besoin. Mais pour mettre en oeuvre la réforme du déboublement des classes de CP en REP+, le ministre ne semble pas avoir d'autre choix que de les "récupérer" pour les redéployer pour son dispositif. Ce que déplore les syndicats : "ces postes devaient servir de variable d'ajustement, dans le cas d'ouverture de classes pour anticiper le congé maternité d'enseignantes ou permettre la scolarisation des enfants de moins de trois ans", explique la secrétaire générale SNUipp-FSU.

  • La mise à mal du dispositif "plus de maîtres que de classes"

Une fois ces 1.500 postes "récupérés", le ministre de l'Éducation doit encore trouver 1.000 postes d'enseignants de primaire pour permettre le bon fonctionnement de sa mesure. Pour cela, il prévoit d'amputer l'effectif qui aurait du être dédié au plan "plus de maîtres que de classes", un dispositif qui permet depuis 2013 l’intervention de deux instituteurs dans une même classe. 

"Beaucoup d'écoles vont être déshabillées", déplore Francette Popineau. "Aujourd'hui, les enseignants nous font des retours positifs sur ce dispositif qui doit être évalué en 2019. Si l'on supprime une partie des postes, il sera plus difficile de mesurer son efficacité. C'est mal vécu par les équipes qui regrettent que l'on n'aille pas au bout de mesures qui semblent donner de premiers résultats intéressants notamment dans les classes en réseau d'éducation prioritaire ou dans certaines écoles rurales."

Il n'est pas question "que l'on déshabille Pierre pour habiller Paul" pour ces classes de 12 élèves maximum, a pourtant tenté de rassurer lundi le ministre de l'Éducation dans un entretien à La Voix du Nord. Il a assuré que cela ne signifiait pas la mort du dispositif "Plus de maîtres que de classes".

 

  • La logistique en question

Autre problème pointé du doigt par le syndicat majoritaire des enseignants de primaire : la logistique. Certaines écoles ne disposent pas des salles nécessaires à la mise en place du dispositif dès la rentrée 2017. "Les collectivités n'ont pas toujours les financements ou la place suffisante pour ouvrir une nouvelle classe si rapidement", pointe Francette Popineau. "Les classes ne sont pas élastiques".

Le syndicat craint également que des salles dédiées à l'informatique ou aux arts plastiques ne soient réquisitionnées. "Quand on a la chance d'avoir une salle informatique, ou une salle d'arts plastiques, est-ce que cela vaut la peine, pour un seul groupe de douze enfants de CP, de renoncer à la peinture ou à l'informatique pour l'ensemble des autres classes ?",s'interrogeait lundi au micro d'Europe 1 Rachel Schneider, secrétaire départementale du syndicat SNUipp-FSU de Seine-Saint-Denis.

Peu après l'élection d'Emmanuel Macron, François de Rugy, le nouveau président de l'Assemblée nationale, qui a représenté le président lors de la campagne sur les questions éducatives, avait assuré qu'un coup de pouce financier pourrait être proposé aux communes afin de les aider à réaliser des travaux dans le cas où il faudrait construire de nouvelles salles de classes. La possibilité de séparer une salle en deux a également été évoquée. Une réponse qui ne suffit pas à rassurer Francette Popineau. "Nous ne sommes pas opposés à ce dispositif. Ce qui coince c'est la méthode et la précipitation !"