Pourquoi le démantèlement du réseau Sky ECC offre "une mine d'or" de données à la police
Quelques mois après EncroChat, les polices française, néerlandaise et belge ont fait tomber Sky ECC, un système de communication cryptée utilisé par les principaux trafiquants de la planète. Europe 1 vous explique pourquoi les retombées de ce succès pourraient être considérables et faire avancer des enquêtes partout dans le monde.
C’était le système de communication cryptée le plus utilisé au monde, par les principaux trafiquants de la planète. Quelques mois après EncroChat , un autre réseau, Sky ECC a été démantelé par la police, notamment grâce à la France. Un succès dont les retombées s'annoncent considérables pour les enquêteurs, qui doivent désormais effectuer un travail de fourmi. Europe 1 fait le point sur ce que l'on en sait.
Comment fonctionnait le système Sky ECC ?
Il ne s'agissait pas de téléphones spéciaux : le système pouvait fonctionner sur n'importe quel smartphone. Il s’ajoutait au fonctionnement des appareils et chiffrait tous les échanges, de sorte à ce qu’aucune écoute ni aucun traçage ne soit possible. Autrement dit, cela rendait les communications invisibles pour n’importe quel service d’enquête.
Prix de l'outil, vendu sous le manteau ou sur le Darknet : 2.000 euros la ligne, tous les six mois. Autant dire une broutille pour des trafiquants. On estime que Sky ECC comptait plus de 170.000 utilisateurs dans le monde, qui croyaient échanger en toute impunité.
Comment a-t-il été déjoué ?
Pour faire tomber ce système réputé inviolable, les efforts de trois pays ont été nécessaires : la Belgique, les Pays-Bas - où le nombre d'utilisateurs était très important - et la France, qui a joué un rôle capital. Car tout ce système de cryptage mondial était notamment hébergé sur des serveurs de l'Hexagone.
C'est donc dans le cadre d’une enquête judiciaire menée par les magistrats spécialisés du parquet de Paris, avec Europol et Eurojust, que la police judiciaire a pu mettre la main sur ces serveurs et en récupérer l’intégralité du contenu.
Quelles retombées pour les enquêteurs ?
Une fois décrypté, Sky ECC est une véritable "mine d'or" pour la police et la justice, affirment tous les interlocuteurs interrogés par Europe 1. "C’est absolument énorme en terme de quantités de données : on parle de plusieurs centaines de millions de messages", explique ainsi Benjamin Iseli, secrétaire national du syndicat Synergie officiers. "Ce sont des individus qui ne prêtaient plus attention à ce qu’ils disaient et qui parlaient extrêmement librement de leurs trafics. Cela va permettre aux enquêteurs, petit à petit, de remonter le fil."
Un travail qui prendra selon lui "des années" et pourra alimenter un nombre incalculable d'enquêtes dans le monde entier. "Cela va nécessiter un travail en profondeur extrêmement important et beaucoup de ressources pour que tout cela puisse aboutir à des interpellations et que des individus soient présentés à la justice."
En France, où l'on comptait environ 2.000 utilisateurs de Sky ECC, les enquêtes s'annoncent particulièrement sensibles, car elles concernent le "haut du spectre" de la criminalité organisée. La plus grande discrétion est donc de mise, contrairement à la Belgique, où l'on commence déjà à communiquer sur les résultats de ce démantèlement : grâce aux informations découvertes, plus de 27 tonnes de cocaïne ont ainsi été saisies dans le port d'Anvers, l'un des principaux points d'entrée de la drogue en Europe… En seulement 42 jours ! C'est presque la moitié du total de l'an dernier.