Le premier compte en Suisse ouvert par Jérôme Cahuzac n'a pas servi à cacher ses avoirs mais à financer de manière occulte l'activité politique de l'ancien Premier ministre Michel Rocard en 1992-1993, après sa démission. C’est en tout cas ce qu’a déclaré lundi l'ancien ministre du Budget devant le tribunal correctionnel de Paris. Ces "révélations" de l'homme au centre du plus important scandale du quinquennat de François Hollande, jugé à Paris pour fraude fiscale et blanchiment, n’ont pas manqué de surprendre le tribunal.
"Un rebondissement extraordinaire". "C’est un coup d’éclat et un rebondissement extraordinaire", confirme Mathieu Delahousse, journaliste et auteur de Code Birdie. Nouvelles révélations sur l’enquête Cahuzac. "Cela ressemble vraiment à Jérôme Cahuzac, qui a toujours voulu être un guerrier dans sa vie de sportif, d’homme politique, et même dans sa vie privée. On pensait qu’il allait arriver affaibli au procès, il est arrivé avec ce rebondissement, qui pose malgré tout des questions."
"Il est face à des gens qui ne peuvent pas parler". Selon le journaliste, cette stratégie peut en tout cas s’avérer gagnante pour l’ancien élu de Villeneuve-Saint-Lot. "Il joue un jeu un peu pervers certes, mais il est en position de force. Il est face à des gens qui ne peuvent pas parler, de façon assez dramatique pour Michel Rocard, mort il y a deux mois, mais également par rapport à François Hollande et Manuel Valls, auxquels il dit n’avoir jamais évoqué cette piste d’un financement rocardien, avant de se reprendre. On marche sur la tête, on est dans une situation de défense absolument insupportable", estime Mathieu Delahousse. "Je pense que ni François Hollande ni Manuel Valls ne vont rentrer dans un débat pareil. C’est un piège que Jérôme Cahuzac leur tend."
Le procès de l'ex-ministre du Budget est prévu jusqu'au 15 septembre. Le jugement devrait alors être mis en délibéré. Jérôme Cahuzac, poursuivi aux côtés de son ex-femme et de trois autres prévenus, risque jusqu'à sept ans de prison et un million d'euros d'amende. "On va rester sur des généralités, dans une suspicion et dans l’hypothèse selon laquelle Jérôme Cahuzac n’a été qu’un petit maillon d’une grande chaîne, et ça, c’est une stratégie gagnante pour lui", croit savoir Mathieu Delahousse, qui ajoute : "au tribunal, le président de séance était extrêmement dubitatif."