Six ans après les révélations de son ancien compère Didier Schuller, Patrick Balkany a rendez-vous avec la justice. À partir de lundi et jusqu'au 20 juin, le maire de Levallois-Perret et son épouse Isabelle, qui est aussi sa première adjointe, comparaissent devant la 32ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les affaires financières de haute volée. "Villa pamplemousse", peignoirs brodés et "petit matelas" : Europe 1 vous résume ce que la justice reproche au couple.
D'où viennent les accusations visant les Balkany ?
De Didier Schuller, ancien directeur général de l'office HLM des Hauts-de-Seine, dont Patrick Balkany fut le président. En 2013, ce dernier a confié aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme les 36 tomes du procès qui lui avait valu une condamnation pour financement illégal de son activité politique - procès dans lequel Patrick Balkany avait été relaxé en première instance. "On a trouvé énormément de documents", raconte l'ancien proche du maire de Levallois à Europe 1. "Nous avons eu la preuve que des sommes très importantes étaient parties à des fins personnelles."
"Il y a des gens qui ont servi de fusibles, ça a été mon cas", estime aujourd'hui Didier Schuller, tout en affirmant ne pas être "dans un esprit de vengeance". "Quand il y a eu un procès, c'est moi qui ait été condamné, ce qui était assez étonnant puisque je n'étais que directeur et il était président", souligne-t-il. "Il se trouve qu'à l'époque, Jacques Chirac était président de la République et Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur. Les protections étaient certainement plus tournées vers lui que vers moi."
Quels sont les biens concernés ?
Après cinq ans d'enquête, les juges d'instruction ont finalement renvoyé les époux Balkany devant la justice pour "blanchiment à grande échelle" : entre 2007 et 2014, le couple est soupçonné d'avoir dissimulé au fisc des revenus et un patrimoine "occultes" à hauteur "au minimum" de 13 millions d'euros, selon leur ordonnance. Deux propriétés en particulier sont concernées, cachées derrière "des montages de plus en plus sophistiquées" entre Suisse, Liechtenstein, Singapour ou Panama : la "villa Pamplemousse", à Saint-Martin, aux Antilles, et la villa Dar Gyucy, à Marrakech.
Isabelle Balkany a fini par reconnaître qu'elle était propriétaire de la première, expliquant l'avoir achetée avec l'argent d'un héritage familial. La seconde est entourée d'un montage complexe, impliquant une SCI marocaine et une société panaméenne. Le couple, qui y a maintes fois séjourné, a constamment nié en être propriétaire. Mais les juges sont formels : ils sont les "seuls bénéficiaires" du riad, où des peignoirs bordés aux initiales "PB" ont été retrouvés. Et le prix de vente de la villa a été payé par l'homme d'affaires saoudien Mohamed Al Jaber, au moment où celui-ci négociait un projet de tours jumelles à Levallois.
Que risquent-ils ?
Les investigations sont remontées bien au-delà de la période 2007-2014 qu'elles ciblent, et les juges estiment que Patrick Balkany a été "à la tête d'un véritable réseau de sociétés offshore" mis en place dès la fin des années 1980. En 2016, le baron de la droite avait fini par admettre avoir détenu des avoirs non-déclarés en Suisse, un héritage selon lui.
L'enquête a aussi mis au jour les fortes sommes en liquide utilisées par le couple, notamment plus de 87.000 euros payés dans une agence de voyages. "J'avais un petit matelas de réserves que je n'ai plus", avait commenté devant les juges Patrick Balkany, qui, selon une employée de maison, "avait régulièrement des espèces dans les poches de son peignoir". Au cours de l'enquête, la justice a saisi le riad, le produit de la vente de la villa Pamplemousse et le moulin de Giverny, où résident les Balkany dans l'Eure.
Dans le détail, le couple doit d'abord comparaître pour "fraude fiscale" et "blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée", puis Patrick Balkany pour "corruption passive" et "prise illégale d'intérêts" et son épouse pour "blanchiment aggravé". Les premiers faits sont passibles de cinq ans de prison et de 500.000 euros d'amende, les seconds de dix ans d'emprisonnement et 750.000 euros d'amende. À noter qu'ils ne comparaissent pas seuls : Jean-Pierre Aubry, ancien bras droit du maire de Levallois, soupçonné d'avoir participé au montage du riad de Marrakech, sera notamment sur le banc des prévenus, tout comme Alexandre, le fils du couple. Ce dernier est jugé pour avoir cherché à "couvrir" ses parents en signant des baux de location fictifs de la villa.
L'état de santé d'Isabelle Balkany pourrait-il faire renvoyer le procès ?
Une incertitude plane toutefois sur le maintien du procès : Isabelle Balkany a été hospitalisée le 1er mai après avoir absorbé des médicaments. Elle venait de dire sur Facebook sa lassitude devant une "instruction exclusivement à charge". Interrogé vendredi par l'AFP sur son état de santé, son avocat a opposé "le secret professionnel, le secret médical et le secret de la vie privée".