C’est l’une des mesures phares du volet "égalité hommes-femmes" du programme présidentiel d’Emmanuel Macron. Les premiers jalons d’une réforme pour la création d’un congé maternité unique seront posés "dès cet été", a annoncé la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, jeudi dans l'émission "Les Maternelles", sur France 5. "Les femmes salariées ont un congé maternité d'une cinquantaine de jours, qui est plutôt bien rémunéré. En revanche, par exemple, les femmes pigistes, autoentrepreneuses, intermittentes du spectacle, en profession libérale, ont des congés maternité épars, moins bien rémunérés et surtout beaucoup plus courts", a justifié la secrétaire d'Etat, promettant ainsi "un congé maternité unique pour toutes les femmes". A quoi pourrait ressembler ce "congé maternité unique" ? Eléments de réponse.
Quel est le système actuel ?
Les salariées ont 16 semaines. Aujourd’hui, les femmes salariées peuvent prendre un congé maternité de minimum six semaines avant l’accouchement et dix semaines après l'accouchement, soit 16 semaines au total (et cela monte à 18 semaines à partir du troisième enfant). La plupart des conventions d’entreprises permettent par ailleurs de partir plus longtemps. Durant ces semaines de congés, la sécurité sociale propose une indemnité journalière qui peut aller jusqu’à 82,33 euros (soit environ 6.500 euros pour 16 semaines).
Les indépendantes en ont dix. Les salariées indépendantes (environ 10% des femmes actives en France), quant à elles, ne relèvent pas tout à fait du même régime. Affiliées au régime social des indépendants (RSI), leurs droits varient selon leurs situations. Une chef d’entreprise, une artisane, ou une autoentrepreneure, par exemple, peut bénéficier d’un congé maternité de deux semaines avant l’accouchement, et de quatre semaines après. Ce congé peut être prolongé quatre semaines, soit un total de dix semaines maximum. Pendant ces 74 jours, elles peuvent toucher un total de 3.976 euros d’indemnités et de 3.200 euros d'allocation forfaitaire. Un montant total supérieur à celui que toucherait une salariée pour le même nombre de jours (un peu plus de 6.000 euros maximum) mais qui doit compenser les éventuelles pertes de chiffres d’affaires de son entreprise liées à son absence.
"Alors que ses indemnités maternité auront servi à payer ses charges professionnelles, le montant de ces mêmes indemnités sera pris en compte comme un revenu dans le calcul de ses droits aux prestations de garde d'enfant. C'est la double peine", dénonçait ainsi, en février dernier, le sénateur Alain Fouché lors d’une question écrite au gouvernement.
De nombreuses situations diverses. Le modèle est peu ou prou le même (lire ici) pour une "conjointe collaboratrice", une personne qui travaille avec son conjoint et affiliée au RSI. Pour les intermittents, le régime est le même que pour les salariées. A une seule différence : il faut avoir travaillé 200 heures les 12 derniers mois… contre 150 pour les salariées. Quant aux professions libérales, elles se scindent en deux groupes : les avocats et les professions médicales, dont les droits se rapprochent de ceux des salariées, et les autres (expertes, décoratrices d’intérieur, conférencières, coach, traductrices etc.) qui bénéficient des mêmes droits que les indépendants.
Que pourrait changer le futur congé unique ?
16 semaines pour tous… "Pour que les femmes soient à égalité face au congé maternité, nous créerons un congé de maternité unique garanti pour toutes les femmes quel que soit leur statut (salariée, entrepreneuse, intermittente, non-salariée, statut multiple, etc.) aligné sur le régime le plus avantageux", avait promis Emmanuel Macron durant sa campagne. En clair, il s’agirait de garantir à toutes les femmes enceintes un minimum de 16 semaines de congés maternité, comme c’est actuellement le cas pour les salariées, quel que soit le statut. La demande pourra être faîte via un "portail numérique", auquel auront accès les futurs mamans et leur médecin, qui pourra y signifier le congé maternité, a précisé la secrétaire d’Etat jeudi.
… Mais pour quelle indemnité ? En revanche, pour l’indemnité, cela semble plus compliqué à harmoniser. Comment, en effet, "aligner sur le régime le plus avantageux" ? Pour une chef d’entreprise, par exemple, garder son statut actuel serait avantageux pour les 10 premières semaines… Mais cela le serait moins pour 16 semaines. "On ne mettra pas tout le monde au même plafond, cela me parait extrêmement compliqué. Dans le cas des indépendants, c’est une rémunération forfaitaire. Il n’y a aucune raison d’égaliser le montant. On ne va pas mettre tout le monde au niveau d’indemnité d’un chef d’entreprise ou d’un cadre supérieur", analyse pour Europe 1 Julien Damon, sociologue spécialistes de politique social.
Pour l’heure, dans l’entourage de la secrétaire d’Etat, on reconnait que ces arbitrages sont encore loin d’être tranchés. Avant même le début de l’été, les équipes de Marlène Schiappa rencontreront les partenaires sociaux et les dirigeants de la Sécurité sociale. Faudra-t-il augmenter les cotisations des travailleuses indépendantes ? L’Etat financera-t-il l’allongement de leurs congés maternité sur ses propres deniers ? Les questions restent en suspens. La réforme, qui pourrait coûter "des dizaines de millions d’euros", dixit Julien Damon, nécessitera un cadre législatif précis. Les équipes de la secrétaire d’Etat le promettent pour l’automne.