50 millions d'euros. C'est la somme que vient de mettre sur la table Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, pour calmer la colère qui grandit dans les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Insuffisant, pour les syndicats, qui appellent à une grève mardi. La ministre doit annoncer ce vendredi des mesures pour soutenir le personnel. Sauront-elles calmer la grogne ? Romain Gizolme, directeur de l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), était l'invité de la matinale d'Europe 1 pour faire le point sur la situation.
"Limite du point de rupture". Les 7.000 établissements privés et publics mais aussi les "services à domicile" sont face à une situation "particulièrement tendue, voire à la limite du point de rupture", constate Romain Gizolme qui ajoute que "ce n'est pas tant d'argent dont le secteur a besoin que de moyens humains". Cela se traduit selon lui par du "temps pris auprès des personnes âgées pour palier le manque d'accompagnement et palier des conditions de travail. La Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) indiquait fin 2017 que l'aide aux personnes âgées était le seul secteur en France qui voyait ses taux d'arrêt maladie et d'accidents du travail augmenter. La question est bien celle des moyens humains, ce qui passe évidemment par des moyens financiers, mais c'est avant tout des moyens humains", résume-t-il.
"L'Etat n'a pas pris la mesure de l'enjeu". Romain Gizolme soutient le mouvement de grève inédit qui s'annonce. "C'est l'ensemble du secteur qui dit aujourd'hui que la situation n'est plus tenable", explique-t-il en reconnaissant un élément favorable à l'annonce d'Agnès Buzin : "même si elle est tardive et pour le moins hâtive, l'Etat semble enfin prendre conscience que le secteur va mal." Avec un énorme bémol pour lui : "annoncer 50 millions d'euros, c'est montrer que l'Etat n'a toujours pas pris la mesure de l'enjeu qui est celui de l'aide aux personnes âgées dans les années à venir."
"Réforme d’ampleur". Lui attend d'abord des excuses de la ministre. "Les directeurs ont été profondément blessés et choqués de ses propos sur le management, répétés à plusieurs reprises (Agnès Buzyn avait expliqué être "surprise" d'observer des disparités de qualité de vie au travail en fonction de la qualité de management, ndlr.) Ensuite, nous attendons l'arrêt des dernières mesures qui tendent encore à réduire les budgets et faire que des postes soient supprimés. Et puis nous attendons que les salaires soient revalorisés dans les services à domicile." Et de souligner le récent refus de l'Etat d'accorder une revalorisation "de 0,44% à un salaire à 1.100 euros". À moyen terme, Romain Gizolme souhaite aussi une réforme d'ampleur pour arriver au moins au nombre de "8 soignants pour 10 soignés. Nous sommes aujourd'hui à 6. Ce qui manque, c'est la seule volonté politique."