Derrière les récentes accusations de viols visant d'éminents gynécologues, dont la secrétaire d'État Chrysoula Zacharopoulou, c'est toute la profession qui s'estime "rattrapée par la société" et l'exigence croissante de consentement et de bienveillance exprimée par les femmes. Les pieds dans les étriers, une patiente "tendue et bloquée" fait face à une gynécologue qui insiste pour l'ausculter puis lui lance "tu vas devoir ouvrir". Une scène vécue "au moins comme une agression sexuelle" par cette jeune femme, qui "hésite" à déposer plainte, plus de cinq ans après.
Un témoignage parmi d'autres visant le Dr Zacharopoulou, spécialiste reconnue de l'endométriose et objet d'une enquête après deux plaintes pour viol et une troisième pour "violences" déposées ces dernières semaines. Des accusations que l'intéressée à démenti "avec force" vendredi, affirmant dans un communiqué n'avoir "jamais imposé le moindre examen à aucune de (ses) patientes sans leur consentement".
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Distinguer "les actes à caractères sexuels et les examens médiaux"
Son cas fait écho à celui du Pr Emile Daraï, chef de service déchu, mais toujours en exercice de l'hôpital Tenon (AP-HP), visé par une vingtaine de plaintes depuis septembre. D'abord sous le coup d'une enquête pour "viols", il fait désormais l'objet d'une information judiciaire ouverte en janvier pour "violences". Signe de la difficulté à qualifier des faits qui associent un acte de pénétration et un accord présumé entre médecin et patiente.
"Une femme qui prend rendez-vous, à qui ont dit 'souhaitez-vous un examen ?', qui dit oui, qui s'installe en position gynécologique (...), comment les gynécologues pourront-ils prouver qu'ils ont eu le consentement ?", s'est demandé le Pr Israël Nisand vendredi sur RTL. Pour l'ancien président du Collège national des gynécos-obstétriciens (CNGOF), "cet usage du mot viol inquiète toute la profession, car le viol sous-entend une intentionnalité sexuelle". Le CNGOF demande d'ailleurs dans un communiqué "que soient bien distingués les actes à caractère sexuel et les examens médicaux". Il souhaite "ouvrir une réelle discussion à ce sujet" avec magistrats, avocats et associations de patientes.
Une profession "rattrapée par la société"
Mais le mal est plus profond. Depuis plusieurs années, les témoignages dénonçant des "violences obstétricales" ou des "violences gynécologiques" se multiplient. "Le regard de la société change sur la manière dont on doit réaliser notre métier", constate Bertrand de Rochambeau, président du principal syndicat de la profession (Syngof). "Avant, quand une femme venait nous voir, on supposait qu'elle acceptait la pénétration a priori. La donne a changé, la société nous rattrape", reconnaît-il, conscient que pour certain de ses confrères, "tenir compte de ce que disent les patientes" est une sorte de "révolution culturelle".
Dans la foulée de l'affaire Daraï, les sociétés savantes de gynécologies ont édicté une "charte de la consultation", qui rappelle notamment que "l'accord oral de la femme est recueilli avant tout examen clinique" et que l'acte "doit pouvoir être interrompu dès que la patiente en manifeste la volonté". "C'est de notoriété publique, on ne peut pas l'ignorer", explique le Dr de Rochambeau. Mais "il faut du temps" pour que les pratiques évoluent.
"Nous avons trop de témoignages"
Une inertie que n'accepte pas Sonia Bisch, fondatrice du collectif "Stop aux violences obstétricales et gynécologiques", qui "voudrait que le gouvernement agisse contre ces violences". Car "sans modification de la formation des médecins, sans prise en compte de la parole des patientes, les pratiques médicales ne changent pas".
"Il faut que ça bouge, nous avons trop de témoignages", ajoute-t-elle, disant en recevoir 200 par mois "d'un peu partout", preuve selon elle que "les mauvaises pratiques sont généralisées", à l'opposé de "la bienveillance et la bientraitance" réclamées. Elle juge toutefois que grâce au "travail militant", la population prend "conscience que ce n'est pas normal". Désormais, "les médecins se retrouvent devant des patientes qui connaissent leurs droits et ne peuvent plus aussi facilement tout leur imposer".