La loi Evin, qui encadre notamment la publicité pour l'alcool, est menacée. Le Sénat a modifié mardi la loi en établissant, contre l'avis du gouvernement, une distinction entre la publicité sur les boissons alcooliques et l'information oenologique. Ce changement pourrait aboutir à alléger les contraintes encadrant la publicité pour l'alcool, en proposant de différencier information et publicité sur l'alcool.
Adopté à une très large majorité. Une très large majorité de 287 sénateurs ont approuvé un amendement en ce sens déposé par Roland Courteau (PS). Gérard César (Les Républicains, LR), Philippe Adnot (non inscrit), René-Paul Savary (LR) et Jean-Claude Requier (RDSE, à majorité PRG) avaient déposé des amendements similaires. En revanche 33 sénateurs ont voté contre, dont Aline Archimbaud (Écologiste) et Laurence Cohen (Communiste, républicain et citoyen, CRC).
Que dit l'amendement ? En résumé, cet amendement vise à rendre la notion de publicité plus souple. Actuellement, la publicité pour l'alcool est interdite à la télévision et autorisée à la radio, sur des affiches et sur Internet, mais avec des slogans sévèrement encadrés. Avec cet amendement, le sénateur souhaite autoriser la communication autour de l'alcool lorsque le message ne ressemble pas à de la publicité.
Est considérée comme propagande ou publicité, au sens du présent livre, une opération de communication effectuée en faveur d’un produit ou service, relevant de l’activité d’une personne ayant un intérêt à la promotion dudit produit ou dudit service et susceptible d’être perçue comme un acte de promotion par un consommateur d’attention moyenne", selon l'amendement.
"Un carcan pour l'information journalistique et oenotouristique". "La loi Evin a encadré la publicité sur les boissons alcooliques sans en donner une définition claire. Face à ce vide, les juges se sont substitués au législateur pour la définir", a plaidé Roland Courteau. "Cela constitue un redoutable carcan pour l'information journalistique et oenotouristique qui peut conduire les journalistes à s'autocensurer et qui peut avoir de graves conséquences sur le développement, par exemple de l'oenotourisme", a pour sa part estimé le député socialiste de l'Aude.
Il a appelé ses collègues à "apporter une clarification à la législation existante, distinguant d'une part, publicité et, d'autre part, contenu journalistique, informatif, tels que les reportages et donc de corriger l'insécurité juridique actuelle".
Touraine opposée à ces amendements. Au nom des 50.000 morts par an dus à l'alcool et à leurs familles, la ministre de la santé Marisol Touraine s'est opposée à ces amendements. "La publicité pour le vin n'est pas interdite, elle existe", a-t-elle souligné en brandissant de son banc plusieurs exemples. "Il y a un équilibre dans la loi Evin qui permet de développer l'oenologie, et je défends cet équilibre", a-t-elle ajouté en soulignant le paradoxe de voter ces amendements dans le cadre d'une loi santé.
Pour que cet amendement entre en vigueur, il doit également être approuvé par l'Assemblée nationale. Le Parlement avait déjà voté un amendement similaire dans le cadre de la loi Macron, mais il avait été retoqué par le Conseil constitutionnel.