Doubler le nombre d'heures de français, permettre aux demandeurs d'asile de travailler… Le rapport que dévoile lundi le député Aurélien Taché parie sur des mesures fortes pour améliorer l'intégration des réfugiés. Ces recommandations, détaillées dans l'après-midi à Lyon en présence du Premier ministre, visent à renforcer le volet "humaniste" de la politique gouvernementale, à deux jours de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi "asile-immigration", très critiqué à gauche pour sa logique "répressive" et qui trouble jusque dans la majorité. Les "propositions ambitieuses" du rapport "pourront alimenter le projet de loi", avait promis en janvier Emmanuel Macron.
Soixante-douze propositions. Sur l'intégration, un sujet "sensible, voire miné", le député LREM Aurélien Taché est parti d'un "constat unanime" : "L'insertion linguistique, économique et sociale des personnes que nous accueillons est insuffisante". Son rapport énumère 72 propositions "pour une politique ambitieuse d'intégration des étrangers arrivant en France", en privilégiant une approche "volontairement pragmatique", afin de "transformer en parcours d'intégration ce qui peut aujourd'hui parfois s'apparenter à un parcours du combattant".
- Plus de cours. Pour faciliter l'intégration, Aurélien Taché propose de partir du Contrat d'intégration républicaine (CIR), dispositif associant langue et formation civique, mais en doublant le volume de cours "à 400 heures minimum", voire "600 pour les publics les plus éloignés du français". Pour "connaître la France et s'approprier les valeurs civiques", le rapport propose de porter à 60 heures (au lieu de 12) la partie civique et d'enrichir le CIR d'un "volet d'insertion professionnelle". Il faudrait aussi "démarrer l'apprentissage du français dès la période de demande d'asile" pour les personnes dont on est sûr qu'elles obtiendront le statut de réfugié. En effet, l'attente, qui dure des mois, représente une période d'inactivité "extrêmement préjudiciable" pour les demandeurs "comme pour la société", note le député.
- Travailler au bout de six mois. Dans la même logique, il propose d'autoriser les demandeurs d'asile "à travailler six mois après le dépôt" de leur dossier (au lieu de neuf), voire "plus tôt dans le cas d'un examen au cas par cas", ce qui rapprocherait la France de l'Allemagne, où le travail est autorisé au bout de trois mois. Convaincu de la nécessité d'une insertion professionnelle "la plus précoce possible", Aurélien Taché propose aussi d'offrir aux nouveaux venus "un accompagnement global, incluant notamment l'accès au logement et à l'emploi, d'une durée moyenne d'un an". Cela passe par des contrats avec les branches professionnelles, des "partenariats avec les grandes entreprises", mais aussi des reconnaissances partielles de qualifications et un accès plus facile à certaines professions (notamment médicales ou dans la fonction publique).
- Prime aux communes. Soulignant l'importance de l'accès à un logement durable, le parlementaire propose de rétablir la prime de 1.000 euros versée aux communes proposant un logement et de "créer un crédit d'impôt solidarité" pour les foyers hébergeant gratuitement l'un de ces étrangers. Certaines mesures impliquent une modification législative. D'autres demandent de bousculer les dogmes, notamment sur les statistiques ethniques, puisque Aurélien Taché suggère que les services publics se dotent de "données objectives sur la nationalité", et que le recensement intègre "une question sur la nationalité des parents".
- Réviser les critères de la naturalisation. Autre changement de fond : "réviser les critères d'octroi de la nationalité pour tenir compte de la motivation des candidats, davantage que de leur durée de résidence", avec des titres de séjour plus longs. Il faut douze ans en moyenne pour obtenir la nationalité aujourd'hui. Enfin, le rapport plaide pour une "politique interministérielle", ce qui bousculerait la pratique actuelle concentrée sur le ministère de l'Intérieur, et préconise de créer une "agence dédiée à l'intégration des étrangers", qui élargirait les missions de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Le coût total est chiffré à 607 millions d'euros (dont 177 pour la formation linguistique), à comparer aux dépenses engagées pour "les différents dispositifs jouant le rôle d'amortisseurs sociaux", souligne le rapport.