La polémique sur l'apparition soudaine et massive des trottinettes électriques dans les rues de plusieurs villes françaises peut-elle s'éteindre ? La mort, lundi, d'un jeune usager de 25 ans renversé par un camion, a réanimé le débat autour de l'absence de réglementation de ces engins en "free floating", alors que les députés ont voté la semaine dernière une série de mesures dans le cadre de l'examen du projet de loi sur les mobilités. Mercredi, sur Europe 1 dans Le Tour de la question, les invités de Wendy Bouchard se sont accordés sur la nécessité de règles strictes pour protéger les usagers et les piétons.
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Éric Clairefond, co-fondateur de Mobistreet, un service de trottinettes électriques en entreprises, le reconnaît d'entrée : "l'absence de réglementation a un impact négatif sur le regard que l'on porte sur la trottinette". Prenant soin de distinguer les près de 400.000 usagers réguliers de trottinettes électriques depuis plusieurs années de l'arrivée des free-floaters sur nos trottoirs, l'entrepreneur rappelle qu'on est encore à "l'adolescence, voire à l'enfance de la trottinette électrique", ce qui explique l'absence de réglementation.
"On a jeté dans la rue des milliers d'engins sans formation"
L'usage des trottinettes est "en cause plus que l'engin", rappelle-t-il, avant de détailler les règles que Mobistreet a mise en place à son niveau pour protéger ses usagers. "Pas un tour de roue sans que les salariés soient formés en amont à l'usage de l'engin, à la réglementation, à l’environnement prudentiel", assure-t-il. Son entreprise fait également signer aux utilisateurs une charte de bonne conduite.
L'absence de réglementation est "le cœur du sujet", martèle-t-il, ainsi que le manque d'expérience des conducteurs. "On a jeté dans la rue des dizaines de milliers d'engins sans aucune formation". Et de nuancer la responsabilité des autorités, notamment la mairie de Paris. "On parle d'un phénomène qui a 12 à 18 mois".
Cependant, répond Arnaud Kielbasa, vice-Président de l’association philanthropique d’action contre l’anarchie urbaine vecteur d’incivilités (APACAUVI), "au niveau international, certaines villes comme New-York, Barcelone, Madrid, avaient déjà réfléchi à la question et fait des pilotes". "On aurait pu, au niveau français, prendre des décisions, comme l'ont fait certaines villes comme Nice, Nantes, Bordeaux ou Rennes, mais à Paris, ça n'a pas été le cas", pointe ce père de famille dont l'enfant de sept semaines et la compagne ont été renversés par une trottinette électrique.
"Poser des règles est une chose, les faire appliquer en est une autre"
Effectivement, à Nice, les élus ont tout simplement refusé l'installation d'engins en libre-service. "Il était compliqué d'arriver, en l'état actuel de la législation, à un partage acceptable du domaine public", confirme Gaël Nofri, élu à la mairie de Nice, invoquant un "principe de responsabilité". Selon lui, la Ville de Nice préfère "attendre que le Parlement statue et que les décrets d'application voient le jour". "On nous demande de contrôler la présence de trottinettes sur les trottoirs, mais on a pas de cadre effectif", regrette-t-il. Avant d'appeler à ce que le cadre posé par la future loi soit "mis en rapport avec la capacité des maires à prendre un arrêté municipal et à le faire appliquer". "Poser des règles est une chose, les faire appliquer en est une autre".
Un décret attendu à la rentrée. Un décret attendu à la rentrée doit définir des règles d'usage, sur l'éclairage, la vitesse maximale des trottinettes, et devrait interdire leur circulation sur les trottoirs. Le projet de loi mobilités prévoit cependant que le maire pourra déroger par arrêté à cette dernière interdiction.
Les mesures déjà adoptées à Paris, et notamment l'interdiction de la circulation et du stationnement sur les trottoirs, ne convainquent pas non plus Arnaud Kielbasa, qui pointe "la légèreté" des autorités sur la gestion du phénomène. "Les forces de police se plaignent de ne pas avoir les moyens et d'être débordées par le nombre de trottinettes", appuie-t-il.
"Paris a réglementé assez rapidement", tente pourtant de nuancer Éric Clairefond, qui estime que la mairie de Paris a dû "réagir en douze mois à une vague mondiale". Pour l'entrepreneur, l'arrivée progressive d'une réglementation pourrait tout à fait mettre fin aux dérives du phénomène. Et de rappeler : "Dans les années 1970, l’automobile tuait 18.000 personnes par an", contre près de 3.000 aujourd'hui.