"Chaque fois que nos athlètes montent sur le podium, cela devient un moment de fierté pour toute l’Ukraine", déclarait jeudi dernier le président Volodymyr Zelensky. Et des podiums, la délégation ukrainienne en a savouré un certain nombre au cours de ces Jeux paralympiques de Paris 2024. Le pays, qui totalise 82 médailles, dont 22 en or, termine à la 7e place du classement des médailles et fait même mieux que la France qui présente pourtant un joli bilan de 75 breloques et 19 titres.
Every time our athletes stand on the podium, it becomes a moment of pride for all of Ukraine.
— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) September 5, 2024
In just two days of the Paralympics in Paris, our team has won 17 medals: 8 gold, 6 silver, and 3 bronze.
We are proud of everyone who represents our country at the Paralympics. I am… pic.twitter.com/5j2SvvbIAh
Cette performance notable des para-athlètes ukrainiens a de quoi susciter l'admiration compte tenu de la guerre dans laquelle le pays est englué depuis février 2022. Elle n'est pourtant pas si surprenante. À Tokyo, il y a trois ans, l'Ukraine terminait à la 6e place des Jeux paralympiques. Elle s'était hissée à la 4e place en 2008 et 2012 et était même montée sur le podium à Rio en 2016. Un exploit majuscule pour un pays qui compte moins de 40 millions d'habitants, mais qui s'explique par différents facteurs.
L'héritage de Tchernobyl
L'Ukraine se distingue en effet par une culture handisport particulièrement développée. Une nécessité, presque, dans un pays où près de 15% de la population présente une situation de handicap (6% en France). L'héritage de la guerre, mais aussi de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, survenue en 1986, et qui explique ce désir puissant de transformer le handicap en atout. "L'idée était de soutenir les gens porteurs de handicap en leur permettant de faire du sport pour éviter qu'ils ne sombrent dans la dépression. Il y a, en Ukraine, une culture de 'retour à la dignité'", nous explique Alla Lazareva, journaliste ukrainienne, correspondante à Paris pour le journal The Ukrainian Week.
Ainsi, en 1991, après la chute du bloc soviétique, Valeriy Sushkevych, fondateur et président du comité paralympique ukrainien, met en place un système baptisé Invasport. Atteint d'une poliomyélite qui le prive de l'usage de ses jambes dès son plus jeune âge, il souhaite ouvrir l'accès au handisport pour les jeunes. Des centres sportifs, spécialement conçus pour les personnes en situation de handicap, sont alors ouverts aux quatre coins du pays, dans toutes les régions. Les enfants peuvent s'initier à différents sports en bénéficiant d'infrastructures parfaitement adaptées.
"En Ukraine, le handisport est une manière de se sentir utile"
"Nous soutenons et encourageons nos enfants en situations de handicap, mais aussi les adultes, en leur donnant la possibilité de se reconstruire par le sport, de se réaliser en tant que sportif et en tant qu’être humain", résumait récemment l'intéressé dans une interview accordée à 20Minutes. Ce système va de pair avec le programme "Believe in Yourself" qui entend accompagner ces sportifs vers la haute performance, à travers des compétitions pour adolescents. Ces derniers sont ensuite amenés à intégrer la sélection nationale de leur discipline. "Le comité international paralympique a estimé que l’Ukraine, nonobstant ses difficultés économiques, avait mis en place le système le plus efficace du monde en termes de parasport. De nombreux pays ont pris exemple sur nous", assure Valeriy Sushkevych auprès de Franceinfo.
Alla Lazareva reprend : "En Ukraine, le handisport est tout simplement une possibilité de faire carrière. En France, l'aide de l'État à destination des personnes en situation de handicap est assez bonne. Alors qu'en Ukraine, ce n'est pas le cas, donc pour eux, le handisport est une manière de se sentir utile et d'améliorer leur situation financière, car les victoires sont bien récompensées". Cette opportunité de réinsertion dans la société via le sport est aujourd'hui d'autant plus d'actualité avec ce conflit qui sévit sur le territoire ukrainien et qui mutile de nombreux soldats. Mais elle pourrait, hélas, être fragilisée justement par cette guerre qui restreint les finances du pays et qui a conduit le comité paralympique ukrainien à réduire de moitié le budget alloué au parasport en 2025.