"La semaine dernière, j'y ai beaucoup pensé", admet Carole, mordue de course à pied. Pour la quatrième année consécutive, la jeune femme s'est inscrite au marathon de Paris, qui partira de l'Avenue des Champs Elysées, dimanche. Mardi 22 mars, elle a "regardé les infos" et découvert l'horreur des attentats de Bruxelles. "J'ai attendu de voir si la course serait maintenue ou non. Comme elle l'est, je pars du principe que notre sécurité sera assurée."
Mauvais timing. La date de la course, prévue moins de deux semaines après les attaques qui ont frappé la Belgique, a fait naître des doutes dans l'esprit de nombreux marathoniens, à peine remis des attentats de Paris. Au point que les organisateurs, d'abord réticents à l'idée de communiquer sur les mesures de sécurité qui entourent l'événement, ont annoncé jeudi la mise en place d'un dispositif "considérablement renforcé".
"Nous avons eu ces dernières semaines des réunions régulières avec la Préfecture de Police de Paris" précise Edouard Cassignol, directeur du marathon au sein de l'organisateur ASO (Amaury Sport Organisation). "La sécurité, c'est la préoccupation majeure aujourd'hui", assure-t-il. Mais"la question d'annuler ce marathon ne s'est jamais posée", assure Yann Le Moëller, directeur général d'ASO.
Le nombre de vigiles de sécurité prévu pour le marathon a été "significativement augmenté", a également indiqué Edouard Cassignol. "Nous avons renforcé les fouilles de bagages, à la fois en termes de ressources et de matériaux, puisque les personnels seront équipés de détecteurs de métaux", a-t-il ajouté. L'organisation a également fait appel à des physionomistes, formés pour détecter les comportements anormaux."Nous ne pouvons pas en dire beaucoup plus, nous avons pris l'engagement de ne pas dévoiler les détails du dispositif car la confidentialité en assure toute l'efficacité", a conclu Edouard Cassignol.
Mon père il a pas peur , il part faire le marathon de Paris , avec tout ce qui ce passe il a le courage
— juline (@juline_DBS) 29 mars 2016
Les familles en supporters. Cela suffira-t-il à rassurer les quelque 50 000 participants du marathon ? "J'imagine que les zones autour des sas de départ et d'arrivée seront super sécurisées, mais ce n'est pas évident de garantir ça tout au long du parcours", craint Carole.
L'époux et le fils de la sportive, censés l'accompagner d'Orléans à Paris pour l'encourager tout au long du parcours, ont longuement hésité avant de décider de maintenir leur déplacement. "Je connais aussi un coureur qui a préféré laisser ses enfants chez lui, alors qu'ils étaient censés venir l'applaudir", raconte-t-elle. "Tout cela a modifié l'attitude des gens."
Pour Gaël, qui s'entraîne quatre fois par semaines depuis trois mois, la crainte pour sa famille a été décisive. "Je n'étais pas très rassuré de me retrouver parmi 50.000 personnes", explique-t-il. "Mais ce qui m'inquiétait surtout, c'était d'y emmener ma femme et ma fille de 19 mois. Ça a commencé à me trotter dans la tête dès le lendemain des attentats de Bruxelles."
"Les déclarations de Manuel Valls ne m'ont pas rassuré", ajoute Gaël. Interrogé par un participant du marathon sur Europe 1, le Premier ministre avait confirmé la tenue de l'événement, tout en déclarant : "Il n'y a pas de risque zéro face à des individus prêts à mourir". La décision de Gaël est prise : il ne sera pas sur les Champs-Elysées, dimanche. "Je me dis que les mecs ont juste à appuyer sur un bouton pour tout faire sauter", souffle-t-il.
Dossards à céder. Les propos de Manuel Valls n'ont pas eu le même écho sur tous les participants. "J'ai plutôt confiance en la capacité à garantir notre sécurité", affirme Clément, qui s'est mis à la course à pied il y a un an et courra son premier marathon. "Les autorités ont intérêt à ce que ça se passe bien, pour rassurer avant l'Euro", analyse-t-il. "C'est ce qui me rassure."
Sur la page Facebook du marathon, de nombreux participants ont pourtant mis leur dossards en vente, invoquant des blessures de dernière minute. "Ça me paraît un peu gros, ces entorses par dizaines", confie Lucas, qui a maintenu sa participation. "On a tous des manières de réagir différentes, je pense que certains ne veulent pas dire qu'ils sont inquiets."
Lucas, qui s'est inscrit avec un groupe d'amis coureurs, attendait la course "avec impatience". Après les attentats, tous ont partagé leurs inquiétudes, mais aucun n'a renoncé à courir. "De toute façon, cela peut arriver n'importe quand, n'importe où, il faut vivre avec ça", estime-t-il.
Le 13 novembre, le jeune homme avait chaussé ses baskets pour un footing, le seul moyen de "se vider la tête". Au moment du départ, dimanche, il assure qu'il ne sera pas inquiet : "On va être 150 nationalités différentes à courir, et ça c'est un beau symbole de lutte contre le terrorisme."